8.5.2
Reuters
Reuters Group PLC est l’une de trois
principales agences de presse dans le monde avec l’AFP et AP. Créée à Londres
en 1851 elle dispose en 2005 de près de 13 000 salariés, dont 2 300
journalistes, et elle est présente dans 91 pays dans le monde. Le groupe a
réalisé un chiffre d’affaires de l’ordre de 2 milliards d’euros pour le premier
trimestre 2005. Reuters France dispose de 350 employés, dont une centaine pour
sa rédaction parisienne. L’agence est traditionnellement implantée dans le
secteur de l’information financière, où elle réalise 90% de son chiffre
d’affaires.
L’engagement
tardif sur le marché de l’internet
A l’image de ses deux concurrents,
Reuters s’est engagée relativement tard sur le marché de l’internet. Ce n’est
qu’en février 2000 qu’a été lancé un plan pluriannuel d’investissements dans le
secteur de l’ordre de 750M d’euros. La stratégie internet du groupe qui a été
dévoilée à l’époque comprenait plusieurs projets. Dans un premier temps,
Reuters avait envisagé l’expansion de son fonds de capital risque Greenhouse
Fund, avec la préparation de son entrée en Bourse. En mai 2000 le fonds
d’investissement s’est implanté à Paris dans l’objectif d’investir dans des
start-ups française prometteuses. Dans un deuxième temps, le groupe a mis en
place plusieurs joint-ventures avec des sociétés spécialisées dans les réseaux
comme Equant dans le secteur de l’extranet financier, Aether dans les
applications sans fil et Multex dans la distribution de données de courtage.
Enfin, Reuters a réorganisé ses différentes filiales locales, dont Reuters
France, avec la création au sein des rédactions respectives d’une cellule
multimédia dédiée à la fourniture de contenus à des sites internet. Selon le directeur général du groupe,
« l’internet a offert à Reuters deux importantes opportunités, il nous a
permis de commencer à servir un marché infiniment plus vaste que par le passé
et d’adopter un modèle plus rentable pour nos activités de base »[1]. Par
ailleurs, Reuters a été l’une des premières agences de presse à adopter le
standard NewsML dans sa fourniture de contenus auprès de ses clients internet.
Basé sur le langage XML, ce nouveau standard de diffusion d’informations,
homologué par l’IPTC (International Press Telecommunications Council), permet
de transmettre textes, images et vidéos. De plus, les informations sont
envoyées en temps réel, ce qui donne la possibilité aux abonnés de l’agence de
les adapter facilement à leur charte graphique et éditoriale.
Cependant, le véritable engagement de
Reuters sur le marché de l’internet a coïncidé avec la crise boursière de 2001.
Ce qui a eu comme effet la baisse de revenus globaux du groupe qui a enregistré
de pertes de l’ordre de 740M d’euros pour l’exercice 2002. Le PDG du groupe Tom
Glocer a alors mis en œuvre un plan drastique d’économies avec la réduction des
effectifs de Reuters de 8 000 postes, soit les deux tiers des salariés en
2003, à l’horizon 2008[2]. D’où
la délocalisation d’une partie de ses prestations techniques et administratives
en Inde[3]. La
mise en place de ce plan ainsi que la reprise de son activité principale
d’agence d’information financière ont permis au groupe de retrouver un niveau
de rentabilité engrangeant ainsi des profits de l’ordre de 657M d’euros pour
l’exercice 2004. Dans la même période, Reuters France a réalisé un chiffre
d’affaires de 58M d’euros.
Le
fonctionnement de la rédaction online
Au
sein de la rédaction parisienne de
Reuters travaillent une centaine de personnes qui ont la charge du
service
d’information financière et générale en
français, ainsi que d’un service de
photographie, d’infographie et de reportages
télévision. Au niveau des
relations clients il y a deux direction commerciales, une pour la
partie presse
et audiovisuel et une autre pour la partie multimédia regroupant
l’internet,
les extranets et les supports mobiles. La partie finance dispose de sa
propre
direction commerciale. La rédaction multimédia est
installée au cœur de la
rédaction de l’information généraliste et
elle emploie douze personnes.
L’installation des journalistes multimédia au sein de la
rédaction
traditionnelle vise à faciliter l’accès aux
différents contenus produits par
Reuters, que ce soient les dépêches en texte, les photos,
les infographies et
les vidéos. En effet, la rédaction multimédia
opère d’une certaine façon comme
un premier filtre à travers lequel passe toute la production de
Reuters avant
même qu’elle ne soit envoyée aux différents
clients. Ses journalistes ont la
charge dans un premier temps de réécrire les
dépêches de l’agence afin de les
rendre publiables pour le grand public. Cette réécriture
comprend la mise en
format court des dépêches, la réécriture des
titres et des chapôs, l’ajout d’un
certain nombre d’informations visant à restituer le
contexte dans lequel a lieu
l’évènement décrit et enfin
l’enrichissement des dépêches avec des images ou
des infographies. Afin d’éviter une écriture trop
proche à celle utilisée pour
les dépêches à destination des professionnels des
médias, les responsables de
la société ont embauché de jeunes
diplômés d’écoles de journalisme qui ont
étés
formés directement pour ce travail spécifique.
« Il
y a une réécriture complète des papiers pour le web. Tout ce qui sort du flux
traditionnel qui est envoyé aux journaux et qui est adressé justement à des
journalistes, ces dépêches-là ne sont jamais incluses dans les segments on
line. Il y a une réécriture systématique des papiers forcément parce que sur le
web on s’attend à lire la dépêche différemment, ce n’est pas le même support,
la longueur n’est pas la même. Les titres des dépêches sont réécrits, le chapô
est forcement réécrit, donc le premier paragraphe reprend toujours l’essence de
l’article plus long, ce qui permet à la limite de ne publier que ça et si
l’internaute veut en savoir plus il clique sur le lien. Donc il y a vraiment un
code d’écriture pour le online. C’est ce qui nous a amené d’ailleurs, quand on
a créé ce service on line, à prendre des jeunes qui sortaient fraîchement de
l’école et ne pas prendre des journalistes de la rédaction qui étaient là
depuis des années et qui avaient des habitudes, nous on voulait un oeil
nouveau. On voulait effectivement des jeunes qui sortaient de l’école, qui
n’avaient pas ces habitudes d’écrire des papiers longs et qui avaient justement
cet esprit d’analyse et de synthèse pour arriver à faire des papiers pour
internet ». Thierry
Vlaeminck, responsable online Reuters France, mai 2004
Reuters étant plus connu pour son
expertise dans le domaine de l’information financière, la demande des clients
internet, essentiellement des portails généralistes, a été dans un premier
temps centrée sur cette thématique. Puis, progressivement, les responsables de
la rédaction multimédia ont proposé d’autres produits comme la rubrique Sport et Technologie à partir des fils de dépêches existants de l’agence.
Ils ont également créé des thématiques spécifiques pour l’internet, à partir de
la demande de clients, comme la rubrique Insolite
qui a rencontré un vif succès en termes d’audience. Selon ses responsables, la
création de la rédaction multimédia, qui centralise et met en relation les
différentes productions de l’agence, a apporté une certaine cohérence à
l’ensemble. Ceci en formulant une demande pour des produits globaux, incluant
les textes, les images fixes et animées ainsi que les infographies relatives à
un évènement couvert par les journalistes de Reuters. De cette façon les différents
départements, dont le fonctionnement a été relativement étanche jusqu’alors, se
sont trouvés dans l’obligation de mieux coordonner et organiser la production
afin de répondre à la demande interne des journalistes multimédia.
« Jusqu’à présent quand on prenait
la rédaction texte en fait ils produisaient du fil texte, sans multimédia sans
rien, le service photo ou infographie idem. Aujourd’hui le service online leur
a apporté justement cette cohérence entre tous ces services, puisqu’il y a une
réécriture des papiers qui est faite et qu’on associe à chaque fois aux papiers
une photo, une infographie et bientôt une vidéo. Donc on est arrivé à créer une
cohérence de l’information à travers le texte, la photo, l’infographie et la
vidéo. Aujourd'hui on le voit sur les portails, l’entrée à l’information pour
le grand public ne se fait pas forcément par le texte, c'est-à-dire que jusqu'à
présent c’était le titre de la dépêche qui faisait l’envie de la lire.
Aujourd’hui on s’aperçoit que ça peut être une photo, ça peut être une
infographie qui est justement l’élément accrocheur, et qu’on rentre par la
photo ou par l'infographie et qu’on arrive jusqu’au papier. Il y a une entrée
différente à l’information. L’internet est venu faire une cohérence entre les
différents services.
Thierry Vlaeminck - Reuters
Une partie importante du travail
des journalistes multimédia au sein de Reuters consiste à définir les
méta-donnés qui accompagnent la production d’information. En effet, afin de
faciliter l’intégration des contenus au sein de sites clients, les journalistes
de l’agence définissent la thématique dans laquelle s’intègrent les dépêches
ainsi qu’un certain nombre de mots-clés qui facilitent leur mise en relation au
sein de dossiers thématiques. Par le biais du format NewsML, le fil
d’information envoyé est actualisé en temps réel vingt-quatre heures sur
vingt-quatre et sept jours sur sept.
Les
relations clients
Les clients du service multimédia de
Reuters sont essentiellement de deux ordres, ce qui correspond également à deux
demandes relativement différenciées. D’une part il y a les structures qui ne
disposent pas de leur propre rédaction. Il s’agit essentiellement de portails
généralistes comme Yahoo, Tiscali ou Wanadoo. Leur demande se concentre sur des
flux d’information « prêts à diffuser », c’est-à-dire qu’ils ne
nécessitent pas un travail rédactionnel supplémentaire. D’autre part il y a les
sites-médias qui disposent de journalistes capables d’effectuer un retraitement
des fils de dépêches reçus. Dans ce cas de figure, les clients ont la
possibilité soit d’écrire des articles en s’inspirant de dépêches Reuters, mais
aussi d’autres agences, soit de basculer en un mode de publication automatique
à des moments de baisse de l’audience comme le soir ou le week-end.
Dans le cas de portails généralistes, leur demande concerne également de
produits plus développés comme des dossiers thématiques ou des découpages de
l’information en rubriques selon leur propre nomenclature. Cependant, les
responsables de Reuters refusent d’y répondre en arguant qu’il serait
impossible de répondre exactement à toutes les demandes spécifiques des
différents clients de manière personnalisée. Ceci demanderait un effort, donc
un coût, trop important. Le fil d’information de Reuters demeure donc un
produit standard, composé de cinq thématiques (Une, Economie, Sport, Insolite, Technologie),
le même pour tous les diffuseurs qu’ils soient de sites
internet ou des
opérateurs de téléphonie. Il leur appartient par
la suite, s’ils le souhaitent,
d’effectuer un traitement supplémentaire avec la
constitution de dossiers
thématiques et l’adaptation à leur propre
rubriquage des flux reçus, ce qui est
fait notamment par Yahoo. En revanche, la particularité du fil
de dépêches de
Reuters est qu’il est hiérarchisé selon
l’importance de chaque dépêche. De
cette façon le service sous-traité par des clients comme
les fournisseurs
d’accès auprès de Reuters n’est pas
uniquement la production de l’information,
mais également un travail de rédaction qui consiste
à sélectionner et à mettre
en avant les informations de première importance. Contrairement
au
fonctionnement « au fil de l’eau »,
où les dépêches sont présentées
dans l’ordre chronologique, la hiérarchisation de
l’information proposée par
Reuters a permis à des acteurs comme Wanadoo de supprimer
complètement les
équipes rédactionnelles dont ils disposaient auparavant.
Dans le même temps,
cette fonction de hiérarchisation de l’information
confère à Reuters des
prérogatives d’éditeur, ce qui n’était
pas le cas auparavant dans son activité
traditionnelle d’agence de presse.
«
Quand on regarde, le vrai avantage de nos segments d’information par rapport à
ceux qui sont édités par d’autres agences c’est qu’il y a quand même une
hiérarchisation qui est proposée par l’agence. Pour des acteurs comme Wanadoo
ça peut présenter un intérêt. Pourquoi ? Parce que l’information quand elle est
livrée c’est comme quand vous achetez un journal dans un kiosque, la Une est en
première page et plus vous avancez dans les pages vous tombez sur la météo et
sur l’horoscope qui sont moins importants. C’est la même chose ici.
C’est-à-dire qu’il faut que l’information principale de la journée soit remise
à jour, éditée en temps réel, alimentée avec des photos mais qu’elle reste en
tête […] A chaque fois qu’on envoie un papier il a sa place dans l’espace en
tant que tel. On dit par exemple cette dépêche-là elle est numéro un et à
chaque fois qu’on la met à jour, à chaque fois qu’on rajoute une photo on lui
donne sa place dans l’espace, si cette dépêche doit rester numéro un toute la
journée, elle restera numéro un toute la journée. Ce qui nous permet d’être la
rédaction des gens comme Wanadoo qui n’ont pas le potentiel de le faire ». Thierry Vlaeminck – Reuters
Les responsables de la rédaction multimédia
de Reuters établissent des relation très suivies avec leurs clients afin
d’adapter leur production aux éventuelles demandes. Ainsi, une visite
annuelle chez chaque client a été instaurée avec la présence d’un représentant
de la rédaction et un autre de la direction commerciale qui examinent les
changements nécessaires. De cette façon, et suite à une demande formulée par
les clients, les horaires d’ouverture du desk
multimédia ont été élargis afin de répondre à une demande des internautes qui
souhaitent s’informer très tôt le matin. Ainsi, la rédaction fonctionne en 2005
de 6h30 à 23h30, contre 7h30 à 22h30 qui était l’horaire auparavant. Les
relations établies avec les clients dépendent également de la nature de ces
derniers et de leur degré de compréhension du fonctionnement d’une agence de
presse. Alors que la collaboration est relativement simple avec les
sites-médias, qui ont une connaissance du secteur de l’information et qui pour
la plupart étaient déjà clients de Reuters pour leur version papier, il ne va
pas de même en ce qui concerne les acteurs extérieurs au secteur des médias
notamment en provenance des télécommunications.
« C’est
plus compliqué. Quand on travaille avec des journaux qui ont monté un site
internet ils ont une culture journalistique et donc ils comprennent ce qu’on
peut faire et jusqu’où on peut aller. Quand on travaille avec d’autres acteurs,
par exemple des fournisseurs de services pour téléphone mobile type Orange, SFR
et ainsi de suite, effectivement ce sont des gens qui n’ont pas à la base une
culture de l’information, ils ont plutôt une approche marketing. Donc, moins
maintenant, mais au début on avait des incompréhensions. C’est-à-dire qu’ils
essayaient par exemple de monter un produit qui livrerait de l’information
trois fois par jour, une fois à 9h, une fois un midi et une fois à 16h, pour
eux au niveau marketing ça tient la route. Le problème, c’est que l’information
ne suit pas ce schéma là. Quand vous lancez un flash d’information à midi, s’il
se passe quelque chose de très important à midi cinq vous ne l’avez qu’à 16h,
donc nous ce n’est pas notre politique parce que ça nuit à notre branding. Quand on est diffusé à 16h en disant voilà la
dernière information de Reuter alors que ça fait quatre heures que tout le
monde en parle ça nuit à notre image. Il a fallu combler le fossé entre
l’approche journalistique et l’approche marketing en disant tout ne s’avalise
pas sur un Powerpoint, l’actualité est imprévisible ». Thierry Vlaeminck – Reuters
Structure
transnationale et diffusion grand public
Etant une entreprise transnationale
par excellence, la stratégie de Reuters se définit à un niveau international
par la direction du groupe qui se trouve à New York. Ensuite des relais
régionaux, comme celui de Genève pour le marché européen, se chargent
d’implémenter les décisions dans les différents pays. Les filiales locales
disposent de très peu de marge de manœuvre par rapport à l’approche marketing
imposée par la direction centrale. En revanche, elles ont la possibilité de
développer des produits spécifiques à chaque pays, s’ils peuvent justifier leur
intérêt économique. Ainsi, Reuters France a créé un service photos en direction
des magazines, un marché particulièrement développé en France, qui constitue un
produit original qui n’existe pas dans d’autres filiales du groupe. De la même
façon, pour ce qui concerne le multimédia, la production s’efforce de s’adapter
aux particularités locales, comme la part importante de contenus pour supports
mobiles vendus en Italie, ce qui n’est pas le cas du marché français.
Une décision stratégique importante
prise par Reuters a été de se constituer en diffuseur d’information à travers
son propre site internet. En effet, contrairement aux deux autres agences de
presse de taille mondiale que sont l’AP et l’AFP, Reuters a créé un portail
d’information décliné en 18 versions nationales qui vise le grand public[4]. Il
s’agit d’une mutation majeure pour la société qui pour la première fois de son
histoire dispose de son propre canal de diffusion de masse. L’objectif de la
société est la vente de services premium en ce qui concerne l’information
financière à valeur ajoutée, mais également, à terme, un financement indirect
du site par le biais de la publicité. Le portail de Reuters a vocation
d’attirer un public intéressé par l’actualité générale puisque les informations
qui y sont publiées sont exactement les mêmes que celles vendues aux clients de
l’agence. De cette façon Reuter s’apprête à concurrencer ses propres clients
sur le terrain de l’information en ligne.
« Jusqu’à
présent les différents sites de Reuters étaient
là à titre de vitrine, il y
avait peu d’information dessus, c’était pour de
l’information marketing.
Aujourd’hui c’est en train de changer, il y a une politique
qui vient des
États-Unis où justement ils essayent de fidéliser,
de mettre de l’information
sur le site pour essayer de travailler vers du vrai B2C en vendant des
abonnements aux internautes. C’est surtout pour la
communauté financière en
fait. L’information généraliste va être
très légère, par contre l’information
financière vraiment spécifique, avec de la profondeur,
avec des recherches, des
analyses, et des conseils va être disponible sur Reuters.com et
Reuters.co.uk
bientôt et étendu au reste par la suite. Là
effectivement on essaye de
travailler comme un éditeur classique, à la fois avec des
revenus publicitaires
et par abonnement […] (Sur le site) ce sont les mêmes
informations que celles
qu’on vend à nos clients. Elles sont publiées un
petit peu différemment, elles
sont un peu retardées mais effectivement ce sont les mêmes
informations. C’est
vrai que ça inquiète nos clients parce
qu’effectivement on devient quelque part
leur concurrent ». Thierry
Vlaeminck – Reuters
Cette orientation stratégique définit
également la position de Reuters face à des infomédiaires comme Google. En
effet, contrairement à l’AFP qui a porté plainte contre le service Google News
pour utilisation abusive de ses contenus, Reuters a adopté une position
beaucoup plus souple à ce sujet. Ceci parce qu’il s’agit d’une question
sensible par rapport aux clients des agences de presse en ligne. En effet,
plusieurs d’entre eux utilisent les dépêches en provenance des agences afin de
produire un flux continu d’information qui leur permet de se positionner en
bonne place au sein de Google News et ainsi bénéficier d’un renvoi d’audience
important. Or, en s’attaquant à Google, l’AFP porte également atteinte au
modèle économique de ses propres clients. Les sites en question peuvent ainsi
se tourner vers une agence dont la position face à Google est moins
défavorable. D’où l’enjeu concurrentiel de ce développement. Par ailleurs,
étant lui-même diffuseur auprès du grand public à travers son propre portail,
Reuters bénéficie également du levier d’audience qu’est Google News.
Globalement, l’émergence de l’internet
grand public a contribué largement au repositionnement stratégique et à la
réorganisation interne de Reuters. En effet, par le biais de son service
multimédia l’agence a pu se développer dans le secteur de l’information
généraliste dans lequel ses activités étaient en déclin auparavant. La
diffusion de contenus Reuters par des sites internet partout dans le monde, qui
selon ses responsables atteint
une audience de cinq millions de visiteurs uniques par jour, a contribué
à augmenter la notoriété de la marque et ainsi développer davantage ses autres
activités. Par ailleurs, la réorganisation interne de la rédaction, qui a placé
la cellule multimédia en son cœur, a modifié sensiblement les conditions de
production de l’information en imposant une certaine coordination entre les
différentes branches. Enfin, l’émergence de l’internet a permis Reuters de se
muer en une entreprise médiatique quasi-intégrée. A l’origine la société se
positionnait uniquement sur le segment de la production de l’information en
étant un grossiste pour les autres médias. Or, la fourniture des contenus pour
les sites internet a obligé les journalistes de l’agence de s’engager également
dans le segment de l’édition avec la sélection et la hiérarchisation de
contenus. Enfin, la mise en place d’un portail de la part de Reuters a permis
son entrée dans le secteur de la diffusion directement auprès du grand public,
ce qui constitue une évolution significative pour la nature même de l’ensemble
de ses activités.
[1] Source : « Reuters prend résolument le
virage du Net », Journal du Net, 9 février, 2000, non signé. Accessible à
l’adresse : http://www.journaldunet.com/0002/000209reuters.shtml
[2] Source : « Reuters renoue avec les
profits », Lexpansion.com, 22 juillet 2003, non signé. Accessible à
l’adresse : http://www.lexpansion.com/compteur/compteur.asp?compteurid=689&redirUrl=http://www.lexpansion.com/art/2084.68967.0.html
[3] Voire : « Reuters délocalise en Inde une partie de son administration », Marc Roche, Le Monde, 8 août 2003.