7.3
MSN et la stratégie de l’interopérabilité
MSN (Microsoft Networks) est une
filiale de la société américaine Microsoft fondée par Bill Gates et Paul Allen
en 1975. Microsoft est considérée comme l’une des plus puissantes sociétés de
la planète et comme la plus importante dans le secteur de l’informatique. Ceci
en raison de son quasi-monopole sur les systèmes d’exploitation avec son
produit phare, le système d’exploitation Windows, qui équipe la très grande
majorité des ordinateurs personnels dans le monde. La division internet de
Microsoft, sous le sigle de MSN, développe une série de produits et de services
spécifiquement pour le web comme la messagerie électronique Hotmail, la
messagerie instantanée MSN Messenger et les portails généralistes de la
société. En 2004, Microsoft emploie 55 000 personnes dans le monde, dont
36 500 aux Etats-Unis pour un chiffre d’affaire de 32 187M de dollars
et de profits nets de l’ordre de 9 993M[1]. Dans la même période, MSN
représente 1 953M de dollars de chiffre d’affaires essentiellement en
provenance de la vente de services auprès des internautes et de la vente d’espace
publicitaire aux annonceurs sur les portails de la société. Microsoft France a
été créée en 1983 et dispose aujourd’hui de 920 salariés et de 8 agences dans
le pays. Le portail msn.fr a drainé
une audience de 10 750 000 visiteurs uniques pour le mois d’avril
2005, ce qui le place à la troisième position des sites internet français sur
cette période[2].
MSN France est divisée en deux grandes
entités, le service communication et le service information. Le premier
comprend tous les outils de communication interpersonnelle comme Hotmail et
Messenger, alors que le second regroupe tous les points d’entrée au réseau MSN
comme le portail msn.fr et le moteur
de recherche. A l’image des FAI, MSN a constitué un portail généraliste avec
tous les attributs que nous avons examiné précédemment, c'est-à-dire la mise en
disposition d’un large éventail de contenus et services liés à l’utilisation de
l’internet. L’objectif étant de commercialiser un certain nombre d’entre eux
directement auprès des internautes, notamment par le biais des services
premium, mais également d’attirer une audience considérable sur le site pour
générer des recettes publicitaires.
Comme dans les cas de Yahoo et de
Google que nous avons examiné précédemment, la division du travail au sein de
MSN intervient au niveau mondial. Ainsi, les fonctions stratégiques de
recherche et développement sont concentrées au siège de Microsoft à Redmond. De
même, la décision de créer un nouveau produit ou de développer un service
spécifique se prend aux Etats-Unis. En France, les responsables de la filiale
ont la charge de coordonner la « localisation » des produits et
services, c’est-à-dire leur adaptation pour le marché français. Ainsi, les
« product managers » locaux se chargent d’adapter l’offre de MSN et
gèrent la communication et le marketing qui lui sont associés. Les directions
stratégiques qui sont établies par la maison mère sont transmises aux équipes
locales qui doivent les implémenter de la meilleure façon possible. Etant
éditeurs de logiciels à l’origine, les responsables américains de Microsoft
montrent une préférence pour les solutions techniques globales et uniformes
dont l’application au niveau mondial présente des avantages en termes
d’économies d’échelles. Aussi, les représentants locaux de MSN doivent
convaincre leurs supérieurs américains à chaque fois qu’ils estiment qu’une
adaptation locale d’un produit ou d’un service s’impose.
« Il
y a un moment où ça devient complexe, enfin mon travail était plutôt
d’argumenter que de produire, ce qui devient un peu pénible au quotidien. Il
faut justifier des choix, gérer des attentes spécifiques associés au pays. Moi
j’avais la charge de la France mais j’ai participé à un certain nombre de
développements européens et c’est clair que quand on est éditeur de logiciels
basé aux Etats-Unis on a souvent besoin d’être accompagné, rassuré, de
comprendre et plusieurs fois le pourquoi d’une demande spécifique, alors qu’on
pourrait se contenter d’une solution uniforme et globale, et on comprend pas
l’avantage d'avoir des propositions locales. Il y a des moments où il faut
produire et il y a des moments où il faut argumenter et quand vous passez 70%
de votre temps à ne faire qu’argumenter, moi ça ne correspondait pas à ce que
je voulais, c’est-à-dire produire et proposer avec les moyens pour le faire
derrière ». Guillaume Le Friant,
ex-directeur du service Information de MSN France, mars 2005 (cf. Annexe 11).
L’actualité
sur MSN
L’implication
de MSN dans le domaine
de l’actualité se présente de trois
manières. Premièrement, à travers une
activité classique d’agrégateur qui, à
l’image de ses concurrents, achète des
contenus d’information auprès des fournisseurs afin
d’alimenter son portail
généraliste. Deuxièmement, MSN s’adonne
à une activité d’infomédiation comparable
à celle de Google News par le biais de sa propre technologie de
recherche dans
l’actualité Newsbot. Enfin, en ce qui concerne les
Etats-Unis, MSN est à
l’origine d’un site d’information dont la
configuration est particulièrement
intéressante. Il s’agit de MSNBC.com,
une joint-venture entre Microsoft et la chaîne américaine NBC, qui est l’un des
principaux acteurs de l’information en ligne aux Etats-Unis, puisque le site
totalise plus de 2 600 000M de visiteurs uniques pour le mois d’avril
2005, ce qui le place à la deuxième place des sites d’information américains[3].
Le fonctionnement du portail msn.fr est assez proche de celui des
portails en provenance des fournisseurs d’accès. L’offre de contenus
d’information qu’on y trouve est organisée en chaînes parmi lesquelles
l’actualité, qui est qualifiée de « besoin clé » pour le portail.
L’objectif de cette offre d’information est double. D’une part, en ce qui
concerne les rubriques généralistes, il s’agit d’attirer une audience
considérable qui sera rentabilisée par la suite sur le modèle publicitaire
classique. D’autre part les thématiques liées à la consommation génèrent de
revenus en provenance des sites marchands partenaires de MSN qui versent une
commission à chaque fois qu’un internaute effectue un achat après être passé
par les pages du portail.
« Ca
va des thématiques qui sont plus orientées utilisateur final, comme l’actualité
qui est un besoin clé pour un grand portail, à toute thématique plus ciblée,
permettant de qualifier une audience spécifique, telle que MSN Femme par
exemple qui est un site portail à destination d’un public féminin, MSN Shopping
qui est dans une logique différente en partenariat avec Kelkoo, mettant à
disposition des outils qui permettent d’effectuer des achats plus malins. Ce
sont quelques exemples du panorama très divers, bien entendu on ne couvre pas
tous les domaines potentiels mais on se concentre plutôt sur ceux où il y a un
intérêt financier important et notamment les contenus qui peuvent attirer des
audiences spécifiques qui permettent par la suite de rentabiliser à travers le
modèle publicitaire classique ou par la qualification de l’audience et donc des
liens sponsorisés associés à travers lesquels on profite de cette qualification
de l’audience pour l’envoi de trafic vers des sites marchands ». Guillaume Le Friant - MSN France
MSN dispose d’un avantage considérable
en ce qui concerne la qualification de son audience et la constitution de bases
de données utilisateurs à travers ses services de communication. En effet, Hotmail
et MSN Messenger sont deux outils de communication particulièrement populaires
et dont l’utilisation implique une inscription auprès de MSN. Ainsi, les
internautes communiquent un certain nombre d’informations les concernant afin
d’y avoir accès, ce qui constitue une source d’information importante pour le
marketing direct. Cependant, en ce qui concerne particulièrement le portail
français de MSN, le modèle publicitaire demeure celui d’un média de masse dans
le sens où l’objectif reste d’attirer un public très nombreux à l’intérieur
duquel émergeront les cibles spécifiques recherchées par les annonceurs. Ainsi,
le ciblage des campagnes publicitaires se fait sur des critères génériques,
comme le sexe déclarée par les internautes, mais aussi sur une base temporelle.
Selon le moment de la journée, la population d’internautes qui utilise le
portail et les outils de communication de MSN diffère, les actifs en début de
la journée, les adolescents et les jeunes adultes en fin d’après-midi, ce qui
permet aux annonceurs de toucher les cibles recherchées.
Le portail msn.fr fonctionne avec une équipe d’une dizaine de personnes aux
fonctions multiples qui vont du marketing à l’établissement de partenariats
avec les fournisseurs de contenu, l’offre publicitaire étant régie par une
équipe distincte. Ainsi, il n’existe pas d’équipe rédactionnelle à proprement
parler, mais des personnes qui exécutent ponctuellement de taches relatives à
l’offre d’information sur l’actualité. Cette offre est constituée
essentiellement du flux de dépêches en provenance de l’AFP et de Reuters, ainsi
que de certains partenariats dans des rubriques spécialisées, comme celui
établit avec ZDNet pour le
multimédia.
« La
chaîne actualité telle qu’elle est régie s’appuie uniquement sur la licence de
flux d’information en provenance de l’AFP et Reuters sans entrer dans une
logique de rédaction ou des choix rédactionnels. Avant tout la démarche c’est
de proposer une brique de base d’actualité aux utilisateurs mais ce n’est
absolument pas de développer une information en propre. Pourquoi une telle
logique spécifiquement dans l’actualité ? Tout simplement parce que la valeur
de MSN c’est de fournir un logiciel avant tout. Dans MSN il y a Microsoft, qui
est un éditeur de logiciels et non pas un média dans le sens où on peut le
comparer avec un TF1 ou même avec un ZDNet. La logique c’est plutôt de
s’appuyer sur l’information et de la traiter à travers un logiciel pour faire
en sorte que les utilisateurs puissent y accéder lorsqu’ils en ont besoin, donc
ça peut prendre plusieurs aspects, la chaîne actualité est l’un de ces
aspects ». Guillaume
Le Friant - MSN France
La
fonction stratégique de la recherche d’information
Effectivement, la valeur ajoutée
apportée par MSN en ce qui concerne la couverture de l’actualité n’est
aucunement une production d’information en tant que telle mais plutôt l’apport
d’une couche supplémentaire dans le traitement de cette information qui vise à
faciliter l’accès pour l’utilisateur. Un trait majeur de cette valeur ajoutée
est la fonction de recherche qui constitue une activité d’infomédiation par
excellence. En effet, comme nous l’avons mentionné précédemment la recherche
d’information apparaît en 2005 comme un des aspects hautement stratégiques du
secteur de l’internet. D’où le revirement d’acteurs comme Yahoo d’une
sous-traitance de cette fonction à un développement en interne des technologies
exclusives. Dans la même logique, MSN a mis en place depuis début 2005 un
moteur de recherche propriétaire appelé MSNBot, créé en interne par ses équipes
américaines de recherche et développement. Auparavant, MSN dépendait pour ce
service des sous-traitants spécialisés comme Inktomi et Overture. Depuis, le
succès financier de Google a démontré le caractère crucial de la recherche pour
le marché de l’internet et a poussé les responsables de Microsoft à assigner à
leur filiale MSN la mission de mettre en place une technologie propriétaire.
Selon Yusuf Mehdi, vice-président de Microsoft responsable de la filiale MSN,
« ce que Google a fait en termes d’amélioration du service pour l’usager,
nous a poussé à retourner en arrière et redoubler nos efforts. Nous
investissons beaucoup afin de construire ce que nous espérons être le meilleur
moteur de recherche dans un futur proche »[4].
Après une période de près de deux ans
de développement, durant laquelle le moteur MSNBot sondait l’internet pour
constituer son index de pages web, le nouveau service a été mis à disposition
du public en février 2005. Comme nous le verrons plus loin, l’avantage concurrentiel
de MSN dans ce domaine ne réside pas tellement dans les performances de son
moteur qui indexe cinq milliards de pages web, loin des vingt et huit milliards
de pages recensées par Yahoo et Google respectivement, mais plutôt dans la
capacité de la société à l’articuler avec le système d’exploitation Windows et
le navigateur Internet Explorer. La compatibilité de MSNBot avec ces logiciels
est assurée, ce qui permet à Microsoft de constituer un ensemble de produits et
services intégré pour l’utilisateur final.
Infomédiation
et actualité
L’implication de cette technologie de
recherche à la couverture de l’actualité prend de formes diverses. Il s’agit
dans un premier temps d’une intégration de l’activité de recherche dans la mise
à disposition de contenus d’information des fournisseurs à travers l’insertion
de liens hypertexte dans le corps des articles. Cette caractéristique constitue
un trait exclusif des pages d’information du portail de MSN qui vise à combiner
l’offre de dépêches en provenances des agences et autres partenaires avec la
possibilité d’approfondir une question en effectuant une recherche soit sur
l’actualité avec Newsbot, soit sur le web avec le moteur généraliste.
Concrètement, l’équipe du portail msn.fr
met en place une base de données qui comporte un ensemble de mots-clés. Ces
mots-clés sont choisis en fonction de leur implication dans l’actualité du
moment ou de leur intérêt supposé pour une partie du public. Ils peuvent être
des noms d’hommes politiques, de pays, d’entreprises ou tout autre terme qui
pourrait susciter une volonté de recherche d’information relative de la part
des utilisateurs. Par la suite un logiciel spécialisé sonde de façon
automatique tous les articles en provenance des flux des fournisseurs et repère
l’existence de mots-clés. Il y intègre des liens hypertexte cliquables qui
renvoient vers une destination prédéterminée par les responsables du portail et
qui peut être une page de résultats d’une recherche sur le web ou sur
l’actualité concernant le mot-clé en question.
« A
MSN il n’y a pas de rédaction, on n’a pas de logique éditoriale, l’insertion
des liens se fait de façon semi-automatisée sur la base des mots-clés qui sont
rajoutés. Si on pense qu’Israël ou Jacques Chirac constituent des sujets qui
peuvent potentiellement intéresser telle ou telle audience en termes
d’approfondissement, on va intégrer ce mot-clé là et on va décider de sa
destination. Si le mot-clé c’est par exemple Alcatel on va plutôt décider de
renvoyer sur le cours de la bourse d’Alcatel que sur MSN Search. Il y a un
premier niveau de choix qui se fait autour de quels sont les mots-clés sur
lesquels on devrait se consacrer et quelles sont les destinations qui auraient
le plus de valeur ajoutée à renvoyer pour l’utilisateur, et après il y a une partie
développement pour que les liens soient intégrés de manière automatique dans
les dépêches. Mais c’est une activité qui se fait très ponctuellement et non
pas au quotidien comme dans une logique de rédaction classique. Donc, en fait
la logique elle a été de considérer que partout où c’était possible dans
l’information il fallait établir des passerelles entre les différentes pages
qui sont proposées sur MSN, pour permettre de répondre à la fois à ce côté
panorama spontané de l’actualité et la possibilité de rebondir instantanément
aussi vers une démarche en profondeur ». Guillaume Le Friant – MSN France
Effectivement, même si les
responsables de MSN ne se reconnaissent aucune prérogative rédactionnelle comme
celles des médias classiques, le processus de choix et de mise en place de ces
passerelles constitue néanmoins un attribut éditorial de fait. L’activité mêle
une sélection des thèmes d’actualité susceptibles de provoquer une démarche
d’approfondissement avec la réalisation technique de liens hypertexte. Les
membres de l’équipe du portail MSN qui en ont la charge tendent vers cette
catégorie de travailleurs de
l’information, tels que nous les avons définis précédemment. Ces personnes
manipulent des contenus d’information (articles, photos, vidéo) en utilisant
des critères « techniques » comme les mots-clés, mais sans intervenir
sur le fond et sans avoir une production propre d’information.
Mise
en place d’un moteur de recherche sur l’actualité
Parallèlement à cette implication de msn.fr dans la mise en place et
l’organisation d’une offre d’information sur l’actualité, il existe également
Newsbot, un service de veille et de recherche dans l’actualité qui est distinct
du portail. Il s’agit d’un module qui fonctionne de façon similaire à Google
News. Un robot spécialisé parcourt un ensemble de sources prédéfinies et en
retire les titres et sous-titres des articles ainsi que des photographies. Les
segments de texte et d’images ainsi accumulés sont ensuite transformés en liens
hypertexte qui renvoient à l’intégralité des articles sur le site d’information
qui en est à l’origine. Les liens en question sont positionnés de telle façon
sur la page web de Newsbot qu’ils prennent la forme de Une d’un journal électronique divisée en différentes
rubriques : Monde, France, Economie, Sports, Sciences, Technologie et Divertissement[5].
« La
finalité de Newsbot n’est pas de se substituer aux
médias mais
plutôt d’apporter un regard algorithmique à
l’information telle qu’elle est
exposée sur internet. Ce n’est pas un journal, c’est
la somme de plusieurs
sources d’information dont le but est de permettre d’avoir
un panorama complet
de l’actualité à un instant t. L’une des
problématiques qu’on peut avoir sur
internet c’est d’être tenu informé minute par
minute des événements de l’actualité
tout en ayant un niveau de profondeur important, potentiellement, si on
veut
creuser tel ou tel sujet. Ca c’est la spécificité
du média et c’est là-dessus
que se place la proposition de MSN Newsbot, c’est de
l’intermédiation mais
absolument pas de la production ». Guillaume
Le Friant – MSN France
Newsbot
a été testé à partir de 2003,
d’abord en Europe et par la suite aux Etats-Unis. En 2005, le
service recense
4 800 sites d’information et il est disponible en 21
versions nationales.
Depuis la mise en place de la technologie de recherche
propriétaire de MSN les
deux services s’articulent, Newsbot étant un onglet de
recherche supplémentaire
de MSN Search appelé
« Actualités », comme c’est le cas
de Google
News. Si le concept de Newsbot est tout à fait comparable
à celui de son
concurrent, certaines de ses caractéristiques ainsi que la
façon dont il a été
implémenté, notamment en France, diffèrent. En
effet, contrairement à la
stratégie de Google qui a consisté à mettre les
éditeurs devant le fait accompli
en lançant le service d’actualité sans les
consulter, MSN a pris soin de
négocier longuement avec les médias français les
conditions de leur présence
dans Newsbot. Le responsable du service en France a pu rencontrer des
représentants des éditeurs comme le SPQR (Syndicat de la
Presse Quotidienne et
Régionale) et le Geste, ainsi que certains responsables de
médias de manière
individuelle. Le principal argument qu’il a évoqué
afin de les convaincre de
faire partie de l’index de Newsbot a été son poids
marginal en tant que tel par
rapport à son intérêt en termes
d’expérimentation pour les moyens de
distribution de l’information de presse dans le futur. Si dans
l’ensemble les
réactions des éditeurs ont été diverses,
allant d’une acceptation du
partenariat à son refus, néanmoins leur association
dès le départ au processus
a rassuré la grande majorité d’entre eux et a
évité à MSN les déconvenues qu’a
connu Google. Par ailleurs, contrairement à son concurrent, MSN
a adopté une
politique de transparence quant au nombre de sources pris en compte par
son
moteur. Ainsi, la liste des sites d’information indexés
par Newsbot est
librement consultable et les éditeurs et usagers ont la
possibilité d’envoyer
leurs remarques et critiques directement auprès des
gérants du service.
« La
différence c’est qu’à l’époque Google avait lancé le service sans avoir
d’équipe sur le terrain dans chacun des pays et c’est clair que MSN en avait
une. Quand on travaillait sur Newsbot moi je suis allé voir un certain nombre
d’éditeurs pour expliquer le projet et essayer de trouver des moyens d’entente
sur comment l’information allait être traitée. Pour les éditeurs c’est une
nouvelle forme d’exploitation qui aujourd’hui est relativement mineure en
termes d’usage, quand on regarde les chiffres Google News ou Newsbot c’est peu
des choses comparativement à l’audience des sites d’actualité. Par contre,
c’est un formidable champ exploratoire qui permet de comprendre et de faire
émerger potentiellement une nouvelle forme de consultation, et donc un business
associé à cette consultation, et sur lequel nous étions complètement ouverts
pour travailler avec les éditeurs afin de trouver un modèle économique qui soit
viable pour tout le monde. L’empressement des éditeurs à dénigrer toute forme
d'exploitation de l’information qu’ils publient m’a toujours paru exagérée par
rapport au potentiel de l’émergence d’usages nouveaux. Heureusement la
situation a changé ». Guillaume
Le Friant – MSN France
Pour ce qui est de la sélection de
sources, MSN n’a pas effectué un recensement en propre mais s’est tourné vers
un spécialiste de la syndication sur l’internet, la société Moreover[6]. Ce
dernier est le plus important fournisseur de flux RSS dans le monde. Son
activité de veille consiste à développer des logiciels qui extraient de façon
automatique des segments de texte des sites internet présélectionnés et qui en
font des fichiers périodiquement mis à jour comportant des balises de
méta-données (titre, sous-titre, source, heure d’apparition). De cette façon,
la société a constitué une base de données de 11 000 sources divisées en
catégories, dont la production d’information régulière, qui est de près de
140 000 articles par jour, est transformée en flux RSS intégrables à
n’importe quel site internet. Moreover a collaboré également avec la BBC dans la mise en place de son propre
service de veille Newstracker dont il a été question auparavant. Plutôt que de
s’engager dans ce domaine, MSN a préféré établir un partenariat avec Moreover
pour la fourniture de flux RSS, en se concentrant à apporter une couche
supplémentaire de traitement de cette information.
L’apport principal de Newsbot, outre
la recherche parmi les flux disponibles, consiste à exploiter les traces
laissées par les usagers du service afin d’améliorer la mise à disposition de
l’information. Ainsi, le moteur constitue une hiérarchie d’articles en fonction
de la fréquence de consultation par les usagers du service. Il s’établit ainsi
une sélection des contenus les plus consultés modifiable en temps réel. Parallèlement,
Newsbot garde en mémoire l’historique des articles consultés précédemment par
les internautes et leur propose des informations susceptibles de les
intéresser. Progressivement, au fur et à mesure de l’utilisation du service,
les critères de hiérarchisation de l’information se modifient suivant des
critères de pertinence établis sur cette collecte de traces personnalisée.
« MSN Newsbot sélectionne des articles et des photos en fonction du
nombre de sources couvrant le même sujet, à quel moment un article a été
publié, par qui et combien de personnes l’ont lu. Ceci a pour but de vous aider
à trouver des nouvelles qui vous intéressent. En déterminant quelles histoires
les utilisateurs lisent, nous pouvons dresser la liste des Articles les plus
populaires pour chaque catégorie d’actualité. Lorsque vous cliquez sur le lien
« les gens qui ont lu cet article ont également lu... », vous pouvez
trouver rapidement d’autres articles intéressants traitant de sujets
similaires. A partir de l’historique des articles que vous avez lus, nous
pouvons vous en conseiller d’autres susceptibles de vous intéresser »[7].
Interopérabilité
et avantages concurrentiels
Selon la presse spécialisée,
l’objectif ultime de MSN est d’exploiter les informations liées à la navigation
des utilisateurs à l’aide d’Internet Explorer et à l’utilisation des
dispositifs de communication interpersonnelle comme Messenger et Hotmail,
regroupés sous un seul identifiant appelé « MSN Passport ». Ceci dans
le but de leur proposer des informations correspondant aux centres d'intérêt
des utilisateurs[8]. En
effet, la puissance de Microsoft, dont MSN est une émanation, lui permet
d’exploiter la compatibilité entre ses différents logiciels et la relation
établie avec les internautes afin de les amener à utiliser de nouveaux
produits.
MSN dans sa présentation de Newsbot
reprend point par point les arguments de Google quant à la valeur du service
proposé en tant qu’apport essentiel pour la confrontation des opinions. De
même, les ingénieurs qui en sont à l’origine soutiennent que derrière sa
création il n’y avait pas de modèle économique envisagé et que l’idée est venue
spontanément pour combler un besoin d’information essentiel. Autrement dit,
Microsoft s’efforce d’adopter le discours utopique de son concurrent afin de
positionner son nouveau produit. Cependant, la stratégie de la firme américaine
se révèle particulièrement constante dans le temps.
Effectivement, Microsoft depuis sa
création ne s’est pas distingué pour ses innovations mais plutôt pour sa capacité
à populariser des concepts inventés par d’autres. Il en va ainsi de son système
d’exploitation Windows, crée au milieu des années 80 pour les ordinateurs
personnels (PC) d’IBM. A l’origine, c’est le fondateur d’Apple, Steve Jobs, qui
a mis en place plusieurs traits caractéristiques de Windows actuels comme la
navigation par « fenêtres », les fichiers et programmes sous forme
d’icônes ou l’utilisation de la souris. Il s’agissait de rendre conviviale et
simple l’usage de l’ordinateur Macintosh. La société de Bille Gates, qui était
à l’époque sous-traitant d’Apple, s’est inspirée de l’interface du système
d’exploitation du Macintosh pour l’adapter au PC d’IBM dont le fonctionnement
demeurait particulièrement compliqué. Microsoft a agit de la même façon au
milieu des années 90 pour créer son navigateur Internet Explorer. Ses
ingénieurs ont copié le fonctionnement de Mosaic, premier logiciel de
navigation sur l’internet développé par Netscape, et ont réussi à l’imposer à
la majorité des internautes en l’installant par défaut sur les nouveaux
ordinateurs avec le système d’exploitation Windows. Ceci en établissant des
accords d’exclusivité avec les constructeurs, ce qui a déclenché des procès en
Europe et aux Etats-Unis en vertu des lois anti-trust[9].
Dans le cas des technologies de
recherche comme celles utilisées par Newsbot, Microsoft est loin derrière
Google en termes d’efficacité comme en ce qui concerne le nombre d’usagers.
Cependant, depuis de son entrée dans le secteur, la société de Bill Gates semble
vouloir appliquer le schéma précédemment décrit et qui consiste dans un premier
temps à observer le marché afin de relever les créneaux porteurs, en
l’occurrence le moteur de recherche sur l’actualité. Par la suite, Microsoft
copie un concept original qui semble attirer un public suffisant pour
rentabiliser le service, dans ce cas Google News, et s’efforce d’imposer son
produit en exploitant la compatibilité entre les différentes composantes
logicielles indispensables à l’utilisation du réseau. D’ores et déjà cette
tentative de s’appuyer sur Windows afin d’imposer sa technologie de recherche
est observable. Ainsi, en juillet 2005 Microsoft a lancé un produit en version
beta appelé MSN Screensaver[10]. Il
s’agit d’un logiciel qui intègre à Windows un fond d’écran dynamique permettant
d’effectuer de recherches sur MSN Search, utiliser Messsenger et Hotmail et
consulter l’actualité avec Newsbot sans ouvrir le navigateur web. L’installation de MSN Screensaver, outre
Windows et Internet Explorer, nécessite également l’installation d’un autre
produit de Microsoft, la MSN Search Toolbar[11]. Ainsi, la société
américaine vise à rendre ses différents logiciels indispensables aux
internautes en exploitant leur besoin d’interopérabilité.
En 2005, la prééminence de Google en ce
qui concerne la recherche sur l’internet français est indiscutable puisque le
moteur répond à plus de huit requêtes formulées sur dix. Cependant, aux
Etats-Unis cette domination est remise en question. Ainsi, MSN Search est passé
de 12,8% à 14,2% de parts de marché dans la recherche sur l’internet américain
pour le mois de février 2005, essentiellement aux dépends de Google qui lui est
passé pendant la même période de 47,1% à 45,9% de parts de marché[12]. Ce
qui démontre que la stratégie de Microsoft semble porter ses fruits, du moins
pour l’instant. La société américaine s’efforce de consolider sa position
incontournable cette fois-ci sur le marché de la distribution de contenus
numériques sur l’internet en s’appuyant sur sa domination du secteur des logiciels
grand public.
[1] Source : Rapport Annuel Microsoft 2004,
disponible à l’adresse : http://www.microsoft.com/msft/default.mspx
[2] Source : Médiamétrie – L’Observatoire des usages
internet, avril, 2005, (cf. Annexe 12).
[3] Source : ComScore Media Metrix, avril 2005, (cf. Annexe 13).
[4] «What Google has
done in terms of doing a great end-user experience has led us to basically go
back and redouble our efforts.We are investing a lot to build what we expect
and hope will be the best-in-class search service in the near
future ». Source: Interview
accordée à Jim Hu, CNET News.com, 25 juin, 2003, accessible à l’adresse : http://news.com.com/Microsoft,+Google+may+go+head-to-head/2009-1032_3-1020641.html
[5] http://fr.newsbot.msn.com/
[6] http://www.moreover.com
[7] Source : http://search.msn.fr/docs/help.aspx?t=SEARCH_CONC_AboutNews.htm&FORM=WNDD
[8] Source : « MSN Newsbot, la réponse de Microsoft à Google
News », non signé, Journal du Net, 19 novembre 2003. Accessible à
l’adresse : http://www.journaldunet.com/0311/031119newsbot.shtml
[9] Voir à ce sujet : « Procès antitrust :
Microsoft s’en tire bien », Jean-Baptiste Su, 01net, 4 novembre 2004,
accessible à l’adresse : http://www.01net.com/article/196679.html
[10] http://screensaver.msn.com/
[11] http://toolbar.msn.com/
[12] Source : « MSN Search peine en France mais progresse aux Etats-Unis », Jérôme Bouteiller, Neteconomie.com, 5 avril 2005, accessible à l’adresse : http://www.neteconomie.com/perl/navig.pl/neteconomie/infos/article/20050405102520
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