4.2 L’internet comme source
d’information médiatique et ses implications pour la sphère publique
La question de l’intégration
progressive de techniques d’information et de communication à l’espace public a
été envisagée de multiples façons par la recherche scientifique : sous
l’angle des caractéristiques spécifiques de l’internet[1], en relation avec la
démocratie locale[2] ou la
communication politique[3], dans
la construction de l’expérience politique[4] ou la problématique des
communautés[5]. Les
travaux en question se concentrent sur différentes applications du
réseau : celle d’outil de communication interpersonnelle, au moyen du courrier
électronique et du tchat ; celle d’espace d’échange collectif, à
travers les forums et les listes de diffusion ; celle enfin de média
d’information et de communication, c’est le cas des sites institutionnels de
gouvernements, de collectivités locales, d’organisations internationales,
d’associations ou de partis politiques. Pour notre part, nous proposons ici
d’étudier la question du point de vue des médias d’information. Notre approche
se concentre sur les modalités de mise à disposition des nouvelles et envisage
l’internet comme une extension du système médiatique, à travers son utilisation
à des fins d’information sur l’actualité. Pour y parvenir nous allons effectuer
une synthèse des études disponibles qui rendent compte de cette utilisation en termes
quantitatifs et, dans une moindre mesure, qualitatifs.
Précautions
méthodologiques
Cette synthèse présuppose un certain
nombre de précautions méthodologiques. Premièrement, la portée des études
auxquelles nous allons nous référer est différente selon les espaces
géographiques et les populations qui ont été prises en compte. Il s’agit
essentiellement des données qui concernent les Etats-Unis, l’Europe et la
France. Les enseignements tirés de l’analyse des enquêtes en question qui
s’appliquent en Amérique du Nord ne sont pas nécessairement transposables en
France. Néanmoins, nous présupposons une relative cohérence entre les
différents pays occidentaux en ce qui concerne les traits généraux. Ceci en
raison de la proximité socioculturelle, le niveau de vie comparable mais
également parce que les stratégies des acteurs impliqués se calquent souvent
sur des modèles d’affaires importés des Etats-Unis.
Deuxièmement, les méthodologies et les
définitions appliquées à chaque étude diffèrent selon les cas. Ainsi, la
définition de l’internaute est différente selon les pays ou les organismes qui
réalisent les études. En France, la définition retenue par le CESP (Centre
d’étude des supports de publicité), qui est appliquée dans les études
d’audience effectuées par Médiamétrie et Nielsen-NetRatings est la
suivante : « une personne qui, au cours des trente derniers
jours, a utilisé Internet, quels que soient les lieux de connexion (foyer,
bureau, école) et la fonction utilisée (messagerie, consultation de sites,
téléchargement de fichiers) »[6]. L’âge
limite de l’échantillon restant à la décision du sondeur, il est dans le cas de
Médiamétrie de deux ans ou plus. Les mêmes précautions concernent également
tous les autres notions utilisées d ans
les enquêtes sur les usages de l’internet, comme les périodes prises en compte,
la méthodologie (sondage par téléphone ou observation du comportement en
ligne), les mesures (visiteurs uniques, visites, trafic, pages vues,
connexions) et la taille de l’échantillon.
Enfin, les sources consultées
proviennent d’organismes officiels (ART), de centres de recherche indépendants
(Pew Internet & American Life Institute), d’entreprises de mesures
d’audience (Médiamétrie/Nielsen-NetRatings, ComScore), d’universités ou
d’organisations interprofessionnelles (Geste, OPA et OPA Europe). Ces enquêtes
ont été recueillies avec une attention particulière quant à la fiabilité de
leur provenance et la validité des données qu’elles comportent. Cependant,
l’évaluation des résultats doit être faite en relation avec la structure qui
les a produits et avec ses objectifs. Ceci est indispensable en ce qui concerne
les organisations interprofessionnelles, dont les études sont orientées vers
des préoccupations commerciales, notamment la valorisation des supports adhérents
sur le marché publicitaire.
4.2.1 Du 11 septembre à la guerre
en Irak : la consolidation de l’information en ligne
Si nous voulons marquer une date
symbolique dans le processus de l’émergence de l’internet comme un média
d’information de masse concernant l’actualité, celle-ci ne pourrait être autre
que le 11 septembre 2001. L’apparition des sites d’information, aux Etats-Unis
comme en France, est largement antérieure à cette date. Cependant, les
événements tragiques de ce jour ont contribué doublement à la constitution d’un
public de masse pour l’information en ligne : d’une part ils ont déclenché
une augmentation de l’audience des sites d’information au niveau mondial, qui,
tout en étant ponctuelle, a marqué le passage à une étape quantitativement et
qualitativement supérieure en ce qui concerne la consultation de l’information
en ligne dans son ensemble ; d’autre part ils ont initié une série de
conflits géopolitiques qui ont alimenté une actualité très forte et continue à
un rythme particulièrement soutenu. Il s’agit d’événements comme la guerre en
Afghanistan, les attaques terroristes dans divers endroits du monde ou la
guerre en Irak et ses conséquences, qui ont particulièrement intéressé des
publics de masse à l’échelle internationale et qui ont vu l’émergence d’usages
nouveaux.
L’explosion
de l’audience des sites d’information
Selon une étude du Pew Institute,
réalisée dans le mois qui a suivi les événements du 11 septembre[7],
le
pourcentage des internautes américains qui déclaraient
consulter des sites
d’information durant une journée moyenne est passé
de 22% avant les attaques à
27% le mois qui les a suivi. Le nombre total de personnes
connectées au réseau
le jour même des attaques est tombé à 130 millions
de 159 millions les jours
précédents. Ceci est attribué par
l’étude à l’effet de la
télévision, qui a
attiré des nombreux internautes suivant l’évolution
des événements en direct.
Cependant, les personnes qui ont utilisé l’internet
l’ont fait de manière très
intense, en visitant plus des sites et en y restant plus longtemps que
la
moyenne. Dans l’ensemble, plus de la moitié des
internautes américains, soit
approximativement 53 millions de personnes à
l’époque, ont utilisé l’internet
afin de consulter des sites d’information. Ces derniers ont connu
une explosion
de leur audience, partiellement due aux consultations depuis
l’étranger qui se
sont multipliées. Ainsi le 11 et le 12 septembre 2001
l’audience de cnn.com
a augmenté de 680% pour atteindre 12 millions de visiteurs, celle de msnbc.com
a augmenté de 236% pour 9,5 millions de visiteurs, celle du cbs.com a
augmenté de 819% pour 1,7 millions de visiteurs et celle du washingtonpost.com
a augmenté de 225% pour atteindre 1,2 millions des visiteurs. D’un point de vue
qualitatif, les usagers ont semblé diversifier les contenus accédés, 15%
d’entre eux ayant consulté des vidéos ou des reportages sonores. Ils ont
également effectué de la veille d’information autour de l’événement, puisque 7%
d’entre eux ont souscrit à une alerte par courrier électronique. L’étude
conclut que, dans l’ensemble, le média dominant dans les foyers américains pour
la couverture des attaques a été la télévision, même en ce qui concerne les
internautes assidus. Effectivement, les consultations de sites d’information se
sont concentrées principalement dans les lieux de travail.
Ainsi une comparaison des résultats
d’audience auprès du panel américain de Nielsen-NetRatings dans les lieux de
travail la semaine précédant les événements (du 3 au 9 septembre) et la semaine
où se sont déroulés les attentats (du 10 au 16 septembre)[8], montre une augmentation
considérable. Entre les deux périodes, le cumul des audiences des vingt-cinq
premiers sites d’information américains a augmenté de 17%, passant de 120,5 à
140,75 millions de visiteurs. Cette augmentation des consultations depuis le
bureau a profité à quelques portails comme AOL ou MSN, qui ont vu
leur audience globale augmenter respectivement de 26 et de 20%. Mais les
croissances les plus fortes ont touché des groupes médias, comme Walt Disney
Internet Group (+62%,), propriétaire de plusieurs journaux en ligne, le groupe de presse Gannett, (+70%) et le New
York Times (+116%). Dans l’ensemble, il apparaît que l’internet n’a pas
constitué la première source d’information pour les américains, c’était le rôle
de la télévision essentiellement, mais un moyen complémentaire pour rechercher,
approfondir et mettre en perspective les informations disponibles sur les
événements du 11 septembre. Ce qui a contribué à augmenter l’audience de tous
les sites d’information dans la période qui a suivi, aux Etats-Unis comme en
Europe. Les raisons de cette augmentation paraissent multiples, mais pour une
partie des internautes la principale motivation a été la recherche d’un
traitement différent de celui des médias audiovisuels dominants. Ainsi, dans
une étude effectuée en Grande Bretagne[9] auprès de populations
ethniques minoritaires, il apparaît que les informations trouvées sur
l’internet sont devenues une source très importante pour les internautes de
religion musulmane. Ces derniers ont exprimé leur mécontentement à l’égard de
services d’information traditionnels comme cause principale de leur recherche
d’alternatives [Gillespie et Cheesman, 2004, p.101]
En France, les attentats ont crée un
tel engouement pour l’information en ligne que de nombreux sites n’ont pas
supporté l’augmentation soudaine du trafic et se sont mis hors service dans les
heures qui ont suivi[10]. Ca a
été le cas des sites de l’AFP, de Europe 1, de France 2,
de France Info, de LCI, de Reuters, RTL, TF1
et Yahoo. D’autres, comme lemonde.fr, liberation.com ou nouvelobs.com,
ont réussi à rester accessibles grâce à des versions allégées de leurs pages.
Effectivement, comme nous avons pu le constater lors de notre recherche de
terrain, le 11 septembre a constitué un tournant pour les responsables des
sites d’information français. D’une part ils se sont confrontés à des
difficultés techniques et ont dû se préparer à des affluences massives et
ponctuelles d’audience, ce qui n’était pas le cas auparavant. D’autre part, au
niveau éditorial, le traitement d’une actualité très forte et à rythme soutenu
a conduit certains d’entre eux à modifier progressivement leur fonctionnement
interne dans le sens d’une plus grande disponibilité des journalistes et des
rédacteurs afin qu’ils puissent mettre à jour les sites avec les dernières
nouvelles.
L’effet du 11 septembre sur l’audience
des sites d’information au niveau international s’est quelque peu estompé par
la suite. Ainsi, selon une autre étude du Pew Institute[11],
en 2002, 25% des
internautes américains en moyenne se sont connectés au
réseau expressément dans
l’objectif de consulter les actualités, une petite
augmentation par rapport aux
23% de 2000. Cependant, l’usage de l’information en ligne
dans cette période se
révèle substantiel parmi les personnes interrogées
âgées de moins de trente
ans, pour qui l’internet constitue la deuxième source
d’information, juste
derrière la télévision. Un élément
intéressant, soulevé par l’étude en
question, est le rôle de l’internet en tant que moyen de
mise en contact
indirect avec l’actualité : 65% des internautes
américains interrogés ont
déclaré avoir été interpellés par
une nouvelle, par hasard, lors d’une séance
de « surf » dont l’objectif était
différent. La croissance la plus
importante, en ce qui concerne les thématiques consultées
par les internautes
américains, a été observée dans la
politique et l’international, deux segments
« nobles » de l’information : 55%
d’entre eux ont déclaré
s’intéresser à l’actualité
internationale, ce qui constitue une augmentation de
10% par rapport à 2000. De même, le pourcentage de ceux
qui ont consulté les
sites d’information pour l’actualité politique a
augmenté de 11%, passant de 39
à 50% des personnes interrogées entre 2000 et 2002. Il
semble que les
événements dramatiques du 11 septembre, et ceux qui ont
suivi, ont déclenché un
intérêt particulier chez les internautes américains
pour les segments de
l’information qui leur sont liés, c’est à
dire les questions de politique
intérieure et des relations internationales.
Evolution
qualitative des usages et affinité
A la même époque, nous observons
également un changement qualitatif en ce qui concerne les habitudes des usagers
de l’information en ligne. Ainsi, l’OPA (Online Publishers Association) une
organisation interprofessionnelle américaine qui regroupe les sites
d’information en provenance des médias, a effectué une étude[12]
courant 2002, afin de mettre en évidence le « degré d’affinité » entre les internautes et les sites
consultés. Il s’agit en réalité d’un effort de la part des sites d’origine
médiatique de valoriser en termes qualitatifs leur audience, auprès des
annonceurs publicitaires. Ceci en mettant en avant les relations de confiance
qu’ils établissent avec leurs visiteurs réguliers. Malgré l’objectif commercial
d’une telle tentative, et les précautions qu’il doit entraîner, l’étude en
question relève des éléments intéressants. Il y apparaît que les internautes
pour lesquels l’index d’affinité est le plus élevé, c’est à dire ceux qui
visitent un site d’information régulièrement, sont également susceptibles d’y
rester plus longtemps, de le recommander à leur entourage et d’y puiser une
grande partie des informations qui les intéressent. Mis à part le fait qu’une
telle audience apparaît comme particulièrement intéressante en termes
publicitaires, nous pouvons déduire également que, pour une partie
significative du public, l’internet devient une source primordiale
d’information sur l’actualité. Ce qui entraîne des habitudes et des préférences
relativement stables quant au choix des sites consultés.
La même démarche a été suivie en
France par le Geste (Groupement d’éditeurs des services en ligne), qui a
réalisé une étude similaire entre mai et juillet 2002[13]. Les résultats font état
d’une audience considérable pour les treize sites souscripteurs, puisqu’ils
totalisent plus de 3 millions de visiteurs et 400 millions de pages vues
pendant la période prise en compte. En tout, 52,4% des internautes interrogés
déclarent avoir consulté un site d’information pendant le dernier mois, soit,
après extrapolation à l’ensemble de la population, 9 millions de personnes au
total. Dans l’étude en question, il y a un partage assez net entre la
perception que les usagers français ont du rôle des sites d’information en
provenance des médias, et celui des portails généralistes. Les premiers sont
davantage sollicités quand il s’agit de s’informer sur l’actualité de manière
sûr, d’approfondir un sujet ou d’accéder à des analyses ou à des commentaires,
alors que les seconds sont plutôt consultés à des fins de divertissement, de
consommation et de recherche. Comme dans les études américaines précédemment
citées, la cible principale des sites d’information français est constituée d’
internautes relativement jeunes, 30% d’entre eux étant âgés de 25 à 34 ans,
assidus, 58% d’entre eux se connectent au réseau tous les jours ou presque, et
expérimentés puisque 48% d’entre eux utilisent l’internet depuis au moins trois
ans.
Ces résultats sont concordants avec
ceux d’une étude effectuée aux Etats-Unis par l’université UCLA[14]. En
effet, il y apparaît que la fréquence et la durée de consultation des sites
d’information est proportionnée au temps passé en ligne. Ainsi, les usagers
assidus, définis comme les personnes qui passent plus de 120 minutes par jour
connectés à l’internet, consultent les sites d’information pour une durée
moyenne de 225 minutes par semaine, alors que les personnes qui se connectent
moins longtemps ne passent que 145 minutes par semaine sur les sites
d’information. De même, les internautes âgés de 25 à 34 ans consultent
davantage, à hauteur de 55%, les sites d’information dans une semaine moyenne.
La notion d’affinité est également perceptible, puisque l’indice de confiance
des usagers concernant les informations disponibles sur l’internet augmente
quand il s’agit de leurs sites favoris. Alors que seulement 48% des internautes
américains considèrent que la majorité des informations disponibles sur
l’internet sont fiables, le pourcentage monte à 81,6% quand il s’agit des sites
qu’ils consultent régulièrement. Nous pouvons en déduire que dans certains cas,
notamment pour les sites en provenance des médias audiovisuels et de la presse,
la marque sert de gage de fiabilité et d’exactitude de l’information pour les
usagers.
L’effet
de la guerre en Irak
Selon une recherche effectuée par
l’université de Columbia[15],
l’audience des sites d’information américains a augmenté de 70% en moyenne dans
la période comprise entre mai 2002 et octobre 2003. Cette croissance est de
loin supérieure à celle de tous les autres types d’usages mesurés. Les deux
sites d’information les plus populaires aux Etats-Unis, cnn.com et msnbc.com,
ont attiré 20 millions d’internautes chacun en octobre 2003. Les deux suivants, yahoo.com et aol.com,
ont attiré respectivement 17 et 16 millions de visiteurs dans la même période.
Pour le même mois, en France, les trois premiers sites d’information qui
étaient dans l’ordre, les pages d’actualité de yahoo.fr, aol.fr
et lemonde.fr, ont concentré une audience de 914 000, 705 000 et 702 000
visiteurs respectivement[16].
Cette audience importante est
partiellement due à la guerre en Irak et l’occupation du pays par l’armée
américaine, dont l’évolution incertaine, ponctuée d’événements dramatiques, a
attiré un nombre significatif d’internautes sur les sites d’information. Le pic
de cette audience a été observé les premiers jours de l’intervention en mars et
avril 2003. Les internautes français ont passé en moyenne, au mois de mars
2003, 50 minutes de plus que d’habitude sur l’internet pour s’informer. Le site
du journal Le Monde est devenu, momentanément, le premier site
d’information français. Selon Bruno Patino, Directeur Général du Monde
Interactif à l’époque, le site est passé de 350 000 visites par jour en temps
normal à 1 million pendant la guerre[17].
L’effet de la guerre en Irak sur
l’audience des sites d’information américains a été également mis en évidence
par une étude du Pew Institute sur la question[18]. Il en ressort que 66% des
internautes ayant consulté de sites d’information ont déclaré l’avoir fait en
raison de la variété de la couverture des événements qu’ils ont trouvée sur
l’internet. 23% ont cherché de l’information sur les effets de la guerre sur le
marché financier, 15% ont voulu savoir davantage sur l’Irak, son histoire et
ses habitants et 9% ont recueilli des conseils sur la façon de se préparer dans
l’éventualité d’attaques terroristes. En récapitulant les résultats des
plusieurs vagues d’enquêtes, les responsables de l’étude ont constaté une
augmentation spectaculaire de l’audience globale des sites d’information qui
est passé de 54 millions de visiteurs en mars 2000, date de la première
enquête, à 92 millions lors de la dernière en juin 2004. Le trait le plus
intéressant de cette étude, qui confirme les résultats précédemment cités, est
que pour une bonne partie des américains l’internet constitue dorénavant une
source disponible pour des informations qui ne sont pas traitées par les médias
dominants. Ainsi, 24% des internautes interrogés déclarent avoir utilisé
l’internet afin d’accéder à des nouvelles, des photos ou des vidéos que les
médias mainstream n’ont pas voulu publier. Le même pourcentage déclare
avoir vu en ligne des photos qui ont été jugées trop dérangeantes pour être
publiées par les médias audiovisuels et par la presse, et un tiers des
personnes ayant visualisé de telles images disent les avoir activement
recherchées.
L’internet
comme canal d’information alternative
Cette caractéristique doit être reliée à
l’effort considérable consenti par l’administration américaine afin de
contrôler les images et les reportages sur la guerre, à travers un travail
intense de pression auprès des médias américains[19]. Comme le rappelle Arnaud
Mercier, à propos des images de soldats américains morts en Irak, il a fallu
attendre fin avril 2004, soit un an après le début de la guerre pour voir les
premières photos des cercueils, non pas sur un média dominant, mais sur un site
internet [Mercier, 2004, p.157]. En effet, des photos prises par des photographes
militaires sur la base de Douvres ont été publiées d’abord sur le réseau, avant
que des journaux américains comme le Seattle Times et le Washington
Post décident de publier d’autres images de la même nature à la Une.
De même que les photos des tortures,
infligées par des soldats américains à des prisonniers irakiens dans la prison
d’Abou Ghraib, ont suivi un circuit de publication alternatif (prise de photos
numériques par des soldats, envoi à des amis ou la famille aux Etats-Unis par
courrier électronique, publication sur des sites web), avant d’être récupérées
par la presse[20]. Ce
qui a fait dire à Donald Rumsfeld, secrétaire d’Etat à la défense
américain : « nous fonctionnons avec des contraintes de temps de paix
dans une situation de guerre à l’âge de l’information. Des gens se baladent
avec des cameras numériques, prenant ces photos incroyables et les transmettant
aux médias, à l’encontre de la loi et à notre grande surprise »[21]. Dans
cette configuration l’internet apparaît comme un canal d’information parallèle,
qui échappe partiellement à la conformité du traitement de l’information
imposée en temps de guerre par le gouvernement, et endossée par la majeure
partie des médias. Comme l’écrit Jean-François Tétu, « le soupçon qui
depuis Timisoara et la guerre du Golfe pèse sur les médias, tend à faire
apparaître Internet comme plus sûr, en tout cas moins soumis au contrôle des
autorités […] c’est la prolifération d’images de source non journalistique (et
liée à Internet), qui font du journaliste un commentateur d’images face
auxquelles il n’est rien. Le journaliste se voit contraint de déplacer son
investigation vers des discours non authentifiés et des images souterraines
dont il lui faut bien rendre compte » [Tétu, 2004, p.8].
Les médias américains ont été effectivement
très critiqués sur leur traitement de la guerre en Irak, notamment en ce qui
concerne les raisons invoquées par l’administration américaine pour justifier
l’invasion. Ce qui a conduit un certain nombre de journaux de référence à s’excuser
auprès du public, pour s’être mis trop souvent en conformité avec les
injonctions du gouvernement[22]. Cette
évolution des médias aux Etats-Unis est déterminante pour ce qui nous concerne
ici, parce que elle a poussé indirectement un grand nombre d’américains à
rechercher des sources d’information alternatives, principalement sur
l’internet.
D’où le développement des weblogs,
ces carnets que publient les internautes sur leurs pages personnelles et qui
traitent des sujets divers. Deux tendances ont caractérisé la dernière
période en ce qui concerne l’information en ligne : d’une part
l’apparition des weblogs des journalistes professionnels; d’autre part
l’émergence des warblogs, c’est à dire des carnets traitant
essentiellement de la guerre en Irak, corrélative avec la professionnalisation
de webloggers
amateurs. Depuis quelques années, un nombre croissant des
journalistes professionnels trouve sur l’internet une
possibilité d’exprimer
des avis ou des analyses qu’ils ne peuvent ou ne veulent pas
publier sur leurs
médias d’origine respectifs. Cette pratique, qui a
constitué à l’origine un
moyen pour un journaliste d’exprimer des vues divergentes de
celles de sa
rédaction, a été progressivement
récupérée par les médias. C’est ainsi
qu’en
2004 quatre correspondants du quotidien français Liberation tiennent
chacun un weblog, hébergé et promu par le journal, de même que plusieurs
journalistes du Monde[23]. Les warblogs,
inversement, tendent à professionnaliser l’activité du blogger amateur.
Comme l’écrit Florence Le Cam, « en souhaitant se démarquer de la
publication traditionnelle, ces carnetiers ont dû, en cours de la guerre en
Irak, s’inscrire dans cette même logique d’interactions paradoxales entre le
public, les sources et les pairs […] ce phénomène des carnets de guerre
participe pleinement au débat sur les transformations du journalisme et la mise
en évidence de ses insuffisances. Mais il peine à s’en démarquer » [Le
Cam, 2004, p.97].
L’une des caractéristiques principales
des weblogs est leur hétérogénéité. Ainsi il est difficile d’extrapoler
les tendances observées ponctuellement à leur ensemble. Selon une recherche
américaine[24], le
nombre approximatif des weblogs était en 2003 d’un peu plus de 4
millions, dont 66% abandonnés par leurs initiateurs. Un quart d’entre eux ont
été utilisés une seule fois. Seul 2,6% des carnets en question,
approximativement 100 000, sont mis à jour au moins une fois par semaine, et
parmi eux seulement 10% comportent des liens vers des sites d’information, ce
qui les rapprocherait aux thématiques liées à l’actualité. En fait, selon la
même étude, 52% des weblogs sont tenus par des adolescents. Nous pouvons
ainsi déduire que seule une infime minorité des weblogs existants accède
au statut de source d’information régulière pour un public conséquent, et ceux
qui y parviennent sont souvent le fait des journalistes professionnels ou
d’amateurs « professionnalisés ». Cependant, le phénomène participe
de manière croissante à l’intégration de l’internet au dispositif médiatique,
particulièrement quand il s’agit de s’informer sur des événements ou des
actualités particulières, au moyen d’un blog spécialisé. Selon le Pew
Institute, 9% des internautes américains déclarent avoir consulté souvent un weblog
afin de s’informer sur les élections américaines, d’où une augmentation
significative de l’audience des carnets politiques durant la période précédant
le mois de novembre 2004.
Internautes
citoyens et surconsommation médiatique
Effectivement, les dernières élections
américaines ont vu apparaître une catégorie d’internautes particulièrement
impliqués dans la vie politique de leur pays au moyen de l’internet, qui
tendent vers cet internaute idéal auquel font référence les utopistes de
la « cyberdémocratie » : ils sont des usagers actifs, qui produisent
et diffusent souvent de l’information au moyen de leurs sites personnels et qui
s’impliquent au sein d’associations ou d’organisations politiques dans le
processus électoral. Une étude effectuée par l’université George Washington[25],
définit cette catégorie d’internautes-citoyens, dont la dénomination
dans la recherche en question est OPC (Online Political Citizens), comme
approximativement 7% de la population américaine. L’ensemble de cette
population, dont la majorité est constituée par des leaders d’opinion,
c’est-à-dire par des personnes ayant une influence et une capacité de
persuasion sur leur entourage, est mieux éduqué, plus riche et plus âgé que la
moyenne des internautes américains.
Les personnes en question ont visité un site
d’information en relation avec un thème politique et dans une période récente à
hauteur de 84%, alors que la proportion équivalente pour l’ensemble des
internautes est de 42%. Cependant, les internautes-citoyens sont de gros
consommateurs d’information en général, puisqu’il apparaît de l’étude en
question qu’ils lisent plus la presse que la moyenne des internautes
américains. En ce qui concerne la radio et la télévision, leur usage est
équivalent à la moyenne, à la différence qu’il s’articule souvent avec
l’utilisation de l’internet, dans des séances de « surf » où la
télévision ou la radio restent allumés en même temps. L’enquête conclut que les
personnes en question sont des « accros de l’actualité » (news
junkies), et que l’internet vient se greffer à cette caractéristique
préexistante. Le fait que l’usage de l’internet correspond à des habitudes et
des pratiques antérieures est également mis en évidence dans une enquête
approfondie effectuée auprès d’une population d’internautes en Grande Bretagne[26].
Une tendance similaire, vers une
surconsommation médiatique, est observée en France, mais dans un autre
contexte. Ainsi, une enquête qualitative auprès d’une cinquantaine des
personnes réalisée par l’Observatoire du débat public, relève que les français
ont sensiblement modifié leurs habitudes ces dernières années, quant à leur
manière d’accéder à l’information. Il y est question de la multiplication de
sources et d’une certaine boulimie de médias, qui conduirait, selon cette
étude, à une sorte de « mal info »[27]. L’organisme à l’origine de
cette étude étant privé, et l’étude étant une commande d’un ou des plusieurs de
ses abonnés, nous ne pouvons pas clairement identifier ses motivations et ses
objectifs[28].
Certaines conclusions de l’enquête, comme la valorisation du concept de « média
référent », c’est-à-dire celui vers lequel l’individu se tourne de manière
systématique, ou la mise en garde contre l’information brève, par opposition à
l’information longuement développée, sont des éléments qui font penser que
l’enquête a un objectif indirect qui est de valoriser la presse traditionnelle
face aux « nouveaux » médias. Ainsi, le directeur de l’Observatoire
du débat public déclare que « l’information idéale est désormais la
dépêche de l’AFP. Plus elle est brève, plus elle paraît crédible. Et c’est le
danger. Avec elle, c’est la montée de l'info en continu. Un boulevard pour tout
ce qui est fast news »[29]. Quoi qu’il en soit, et ces
précautions ayant été prises en compte, l’enquête sur la « mal-info »
en France relève des éléments intéressants et concordants avec ceux
précédemment mentionnés, quant à l’utilisation de l’internet à des fins
d’information et son articulation avec les autres médias.
Il apparaît des résultats rendus
publics que des événements tragiques, comme le 11 septembre, l’épidémie de SRAS
ou la guerre en Irak, ont renforcé un besoin de suivre en direct leur
déroulement. Les consommateurs des médias français cherchent à être en alerte
sur toute une série d’événements, qui peuvent être très éloignés
géographiquement, car ils semblent penser que leur vie quotidienne peut en être
touchée. Cette position de veille pousse à une volonté de se tenir informé par
« grignotages » d’actualités de manière répétée et rapide dans le
foyer, mais également dans les transports ou au travail, en
« piochant » et « picorant » dans différents médias. D’où
le développement significatif des audiences des médias gratuits d’information
en continu, comme les stations de radio, mais également les sites internet, qui
s’intègrent bien dans cette nouvelle configuration. Les auteurs de l’enquête
interprètent cette situation de deux façons : d’une part cette
surconsommation d’information se double d’une certaine superficialité dans son
interprétation. Ainsi, les réponses des personnes interrogées sur des sujets
d’actualité précis révèlent une certaine confusion quant au contexte, au
déroulement exact des événements et à l’identité des acteurs impliqués. Mais,
d’autre part, il apparaît que certaines des personnes interrogées cherchent à
se faire une idée des enjeux de l’actualité par elles-mêmes, sans passer par le
filtre d’un seul média. En combinant plusieurs sources, notamment en provenance
de l’internet, elles manifestent un désir d’autonomie quant au sens à donner
aux événements.
Temporalité,
articulation inter-médias et consultation depuis le lieu de travail
Les résultats de cette enquête,
indépendamment de leur portée véritable, posent une question particulièrement
pertinente pour notre approche, qui est le fait de connaître la manière dont
l’usage de l’internet s’articule avec celui des autres médias. En effet, selon
une étude de l’université de Stanford[30], les résultats obtenus sont
partiellement en accord avec la thèse de Norman H. Nie, qui stipule que le
temps passé sur l’internet est inversement proportionnel avec le temps passé
dans les autres médias [Nie et Erbring, 2000]. Ce modèle
« hydraulique », qui considère que les activités médiatiques des
usagers constituent des vases communicants quant au temps consacré à chaque
activité, est partiellement validé par l’étude en question, qui y intègre des
déterminants socioculturels. Ainsi, si dans l’ensemble l’utilisation de
l’internet diminue le temps consacré à la télévision, la proportion de cette
diminution varie selon des critères socioéconomiques : les internautes
plus jeunes et de catégories socioprofessionnelles supérieures ont tendance à
consacrer beaucoup plus de temps à l’internet, et moins à la télévision, que
les internautes plus âgés et d’un niveau d’éducation et de revenus inférieur.
La même étude relève que l’usage de l’internet se concentre essentiellement
pendant les jours de la semaine, où 35,1% des internautes se connectent de
façon régulière, contre seulement 21,4% pendant le week-end. C’est un élément
important car il concerne la temporalité de l’usage de l’internet.
En effet, à contre courant des
analyses qui présentent l’internet comme un média intemporel, les enquêtes
empiriques révèlent qu’au contraire, du moins en ce qui concerne les sites
d’information, la consultation suit des cycles et des habitudes quotidiennes.
Selon une étude de l’OPA U.S., l’internet apparaît comme étant un média
d’information pendant la journée, particulièrement auprès des usagers qui le
consultent depuis leurs lieux de travail[31]. Ainsi, 25% des internautes
interrogés déclarent que l’internet est le seul média qu’ils utilisent pendant
la journée. L’audience des sites d’information est inversement proportionnée à
l’audience de la télévision pendant une journée moyenne. Dans la deuxième
partie de la matinée, entre 8h et 12h, 73% des internautes interrogés
consultent des sites internet afin de s’informer sur l’actualité, alors qu’ils
sont seulement 16% à regarder la télévision dans le même but. A partir du début
de soirée, vers 19h, la tendance s’inverse, puisque 77% des internautes
interrogés déclarent regarder la télévision à des fins d’information, pour
seulement 49% qui consultent les sites internet. Les usagers de l’internet à
des fins d’information sur le lieu de travail se concentrent dans la frange de
population âgée entre 18 et 55 ans. Ils sont sensiblement plus diplômés et
disposent de revenus plus élevés que les internautes qui consultent depuis
d’autres lieux. A l’intérieur de cette population les hommes et les cadres
supérieurs sont susceptibles d’utiliser davantage l’internet afin de suivre
l’actualité. Ils le font particulièrement pendant la matinée, la fin de journée
étant plutôt consacrée au divertissement et aux achats en ligne.
Dans l’ensemble, les thématiques qui
intéressent particulièrement les hommes et les femmes qui consultent les sites
d’information depuis le bureau sont sensiblement les mêmes, sauf en ce qui
concerne les sujets économiques et la bourse, qui sont plus suivis par les
premiers, et l’actualité locale qui attire particulièrement les secondes.
L’économie est également une thématique qui intéresse davantage la frange d’âge
de 35 à 55 ans, alors que les personnes âgées entre 18 et 34 ans s’intéressent
à l’actualité générale. Le taux de consultation régulière des sites
d’information a tendance à augmenter proportionnellement à l’ancienneté des
internautes. Il concerne plus de la moitié des personnes qui utilisent
l’internet depuis au moins neuf ans, mais seulement le quart de ceux qui
l’utilisent depuis au moins trois ans.
La consultation des sites d’information depuis
le bureau s’entremêle constamment avec un usage professionnel (envoyer et
recevoir du courrier, préparer des réunions), mais également avec un usage
pratique (faire des courses, consulter la météo, se renseigner sur l’état du
trafic routier, planifier son week-end). L’importance de l’usage quotidien de
l’internet au travail pour les sites d’information est significative, puisque
82% des internautes qui le pratiquent déclarent disposer d’une sélection des
sites préférés qu’ils consultent tous les jours au bureau. 65% d’entre eux
disent considérer l’internet comme le seul moyen qui leur permet de rester en
contact avec les évènements importants de l’actualité pendant leur journée de
travail. Ces conclusions recoupent également ceux d’une enquête équivalente
réalisée par la branche européenne de l’OPA et concernant cinq pays, parmi
lesquels la France[32].
Effectivement, lors de notre recherche
de terrain nous avons constaté que l’offre d’information des sites examinés se
calque sur les habitudes de consommation des usagers, notamment de ceux qui
consultent depuis leurs lieux de travail. Ainsi, parallèlement à une mise à
jour permanente et automatique par le biais des dernières dépêches, le
fonctionnement interne des sites d’information, disposant d’une rédaction,
présente trois temps forts quant à la mise en ligne des nouveaux contenus
pendant une journée moyenne : le début de la matinée, qui correspond à
l’arrivée au bureau, le début d’après-midi qui correspond au retour du déjeuner,
et le début de soirée, qui correspond au retour au foyer. A chaque fois il y a
une mise à jour et un ajout d’informations qui vise à correspondre aux pics de
connexions observés.
Les sites d’information sont également
en train de prendre une place considérable dans les habitudes de consommation,
même par rapport aux médias plus anciens. Ainsi, une enquête au niveau
européen, effectuée entre septembre et octobre 2004 par l’EIAA (European
Interactive Advertising Association)[33], un groupement
interprofessionnel dans le secteur de la publicité sur l’internet, révèle que
le temps moyen passé en ligne par les internautes européens est de 11 heures
par semaine. Ce qui représente un cinquième du nombre total d’heures de
consommation média tous types confondus, davantage que les 4 heures et demie
passé à la lecture des journaux, mais loin de 17 heures consacrées à la
télévision. Le principal avantage de l’internet mis en avant par les personnes
interrogées, par rapport au média dominant qu’est la télévision, est le fait de
pouvoir accéder rapidement à l’information recherchée. 54% des internautes
européens interrogés déclarent lire des journaux en ligne, et le fait de
s’informer sur l’actualité est le deuxième usage cité, juste derrière le
courrier électronique. Si ces résultats sont sujets à précaution, en raison des
motivations commerciales des acteurs qui en sont à l’origine, les tendances
esquissées sont en accord avec l’ensemble des éléments exposés précédemment.
4.2.2 L’état actuel de
l’information en ligne et les mutations de l’espace public
Effectivement l’utilisation de
l’internet afin de s’informer sur l’actualité devient de plus en plus répandue
auprès des internautes en France, comme dans les autres pays européens et aux
Etats-Unis. Selon un sondage de l’institut Ipsos, la recherche d’informations
liées à l’actualité occupe la première position en 2004 parmi les usages cités
par les internautes français avec 64% de réponses[34]. Pour le Pew Institute, le
pourcentage des internautes américains qui utilisent l’internet afin de
s’informer sur l’actualité quotidiennement est de 27%, juste derrière l’envoi
du courrier électronique et les requêtes auprès de moteurs de recherche[35].
En ce qui concerne particulièrement la
France, ces résultats, qui concernent essentiellement les internautes
réguliers, doivent être mis en perspective avec le taux de pénétration
croissant de l’internet dans l’ensemble de la population. En décembre 2004, le
nombre d’individus de 11 ans et plus déclarant s’être connectés à l’internet au
cours du dernier mois, quel que soit le lieu de connexion, est de 23 919
000, soit 46,7 % des français dans la même tranche d’âge. Ce qui constitue une
augmentation de 9% en l’espace d’un an[36]. Malgré les fluctuations
saisonnières de ce pourcentage, dues à une définition large de l’internaute qui
comprend des personnes dont l’usage est très ponctuel et non pas régulier,
d’autres éléments comme le taux de pénétration dans les foyers démontrent une
augmentation considérable d’un usage intensif. Ainsi, selon l’Observatoire du
marché de l’internet, émanation de l’ART (Autorité de Régulation des
Télécommunications) et associant les principaux fournisseurs d’accès, la France
comptait au 31 mars 2004, 10,9 millions d’abonnements à l’internet, dont le
haut débit en représente 40%. Ce qui constitue de revenus de l’ordre de plus de
2 milliards d’euros pour les opérateurs en 2004[37]. A cela il faut ajouter un
nombre considérable de points d’accès au réseau dans les lieux de travail, les
lieux publics, les écoles et universités ainsi que dans les cybercafés,
difficilement comptabilisables.
Il
en ressort une tendance générale
vers la hausse du nombre de consultations de sites internet en
général, et plus
particulièrement de ceux qui mettent à disposition de
contenus d’information.
Or, l’utilisation de l’internet au sein de la population
française est
inégalement répartie. Selon l’étude
précédemment citée de l’EIAA, en 2003 les
internautes sont plus nombreux chez les hommes que chez les femmes, 69%
pour
39%. De même, ils sont 73% dans la tranche d’âge
16-44 ans et 58% à faire
partie des catégories socioprofessionnelles supérieures. Les utilisateurs intensifs sont généralement
plus jeunes (entre 16 et 34 ans), de sexe masculin et disposaient d’un accès à
l’internet avant 2000. Ces caractéristiques sont également celles de l’ensemble
de l’échantillon dans les cinq pays européens pris en compte dans
l’enquête.
Si les inégalités d’accès persistent,
l’usage de l’internet s’étend à des populations peu touchées auparavant. Ainsi,
selon une synthèse des observations issues des panels d’internautes publiée par
Médiametrie en décembre 2003[38], on
constate une progression de leur nombre plus importante que la moyenne chez les
femmes, les 50 ans et plus, les CSP-, en Province et dans les petites et
moyennes agglomérations. Autrement dit, la hausse concerne particulièrement les
catégories de la population où l’usage de l’internet a été le plus faible
jusque-là. Il apparaît également de cette synthèse que la qualité de la
consultation dépend de l’ancienneté. Autrement dit, plus l’internaute est
expérimenté, plus le nombre de sites qu’il visite est élevé et plus le temps
passé sur le réseau est long. Nous observons ainsi un phénomène d’apprentissage
progressif sur l’internet, qui modifie sensiblement les usages effectifs au fur
et à mesure.
Synthèse
des résultats
Pour récapituler, nous pouvons
synthétiser l’ensemble des éléments auxquels nous avons fait référence de la
manière suivante : après une période d’instabilité économique et de
formation des usages, l’internet semble être entré en France dans une période
de maturité et de relative stabilité. Ainsi, les sites d’information
constituent actuellement une source d’information significative pour un public
de masse, en ce qui concerne sa taille, mais particulièrement hétérogène quant
à ses usages. Les applications du réseau, concernant l’information en ligne,
s’intègrent progressivement à des pratiques médiatiques complexes et
plurimédias, c’est à dire combinant plusieurs supports d’information. L’internet
demeure un dispositif médiatique discriminant et inégalement reparti au sein de
la population française, mais cette inégalité semble concerner moins l’accès en
tant que tel, qui est en voie de généralisation relative, que la qualité de
l’utilisation. En raison de la complexité technique de sa maîtrise, mais
également à cause de la profusion d’informations qu’on y trouve, l’usage de
l’internet se révèle davantage lié au capital symbolique, au niveau
d’éducation, mais également à l’ancienneté, et à l’apprentissage que cette
dernière suppose. Ceci quant au choix de services, la sélection de sources, la
recherche et la mise en perspective de l’information. Nous pouvons déceler
parmi les usagers de l’internet une petite minorité qui semble tendre vers cet internaute-idéal,
auquel nous avons fait référence précédemment, et qui a constitué le fondement
des analyses utopiques sur la « cyberdémocratie ». Cependant la
majorité des internautes, que nous avons appelé grand public, se limite à un
usage qui correspond à ses pratiques médiatiques antérieures.
La consultation des sites
d’information, dans son déroulement concret, consiste pour une partie
importante d’internautes en une activité quotidienne, ou du moins régulière,
qui entraîne des habitudes de consommation et des préférences quant aux sources
consultées. Cette consultation régulière est ponctuée par des évènements
importants, souvent de nature internationale, qui attirent des publics
conséquents vers les sites d’information, entraînant des pics de connexion
spectaculaires. En raison d’une certaine maturation des usages, au moins en ce
qui concerne les internautes expérimentés, et de la généralisation de l’accès
haut débit, la consultation des sites
d’information s’allonge quant à la durée mais également s’enrichit avec des
contenus multimédias. L’internet offre également la possibilité à des
populations qui n’apprécient pas le traitement de l’actualité par les médias
dominants de leur pays, pour des raisons politiques, religieuses ou culturels,
de contourner ce filtre « national » en s’informant sur des sites
basés à l’étranger, ou dont l’approche est minoritaire dans le spectre
politique local. Enfin, la consultation des sites d’information interfère
constamment avec d’autres activités en ligne, qu’elles soient professionnelles,
divertissantes, de communication ou pratiques. Dans cette configuration le
réseau se révèle être un puissant moyen de mise en contact avec l’actualité,
même quand l’intention première des internautes qui se connectent n’est pas de
s’informer.
Les
mutations observables de l’espace public
Si ces tendances sont tributaires des
caractéristiques techniques de l’internet, il n’en demeure pas moins qu’elles
sont sujettes à un processus de formation et de stabilisation des usages. Ce processus
est socialement déterminé et s’inscrit dans l’ensemble des mutations de la
sphère publique observées par ailleurs en mises en évidence par la recherche
scientifique. Cependant, avant de procéder à l’examen de ces mutations en
relation avec notre objet de recherche, il convient de définir ce que nous
entendons par la notion de l’espace public. Pour ce qui nous concerne nous
considérons, à l’instar de Marc Raboy, que « l’espace public est le
domaine de médiation entre la société, l’économie et l’Etat, dans lequel le
public s’organise et se mobilise, pour produire une opinion publique
susceptible d’influencer la vie publique » [Raboy, 1998, p.110]. Il s’agit
bien entendu d’une définition qui trouve ses sources dans le travail de Jürgen
Habermas, qui considère que l’autorité publique peut être rationalisée sous
l’influence institutionnalisée de l’argumentation raisonnée. A ce titre
l’espace public constitue un concept fondamental de la théorie normative de la
démocratie de Habermas, puisqu’il connote les conditions de communication dans
lesquelles une opinion publique peut se former.
En fait, l’espace public constitue le
champ dans lequel se déploie l’agir communicationnel, c’est à dire
l’interaction de sujets capables de parler et d’agir qui engagent une relation
sociale. Les acteurs recherchent une entente sur une situation d’action afin de
coordonner de manière consensuelle leurs plans d’action, et par la même leur
action [Habermas, 1987 tome I, p.102]. Comme l’indique l’auteur, le dispositif
médiatique constitue une extension de l’agir communicationnel, puisque
« la presse écrite et les médias électroniques représentent des
innovations significatives de l’évolution en ce domaine : avec ces
techniques, les actes langagiers sont libérés des limitations contextuelles qui
tiennent à l’espace et le temps et rendues disponibles pour des contextes
démultipliés » [Habermas, 1987 tome II, p.201].
Loin d’être l’expression exclusive de
l’agir communicationnel, les médias d’information constituent néanmoins une composante
essentielle de la sphère publique actuelle. Dès lors cette dernière subit deux
influences décisives : d’un coté elle constitue le champ de déploiement
des stratégies de la part des acteurs du système économique, régulé par
l’argent, et par les agents du système politico-administratif, régulé par le
pouvoir. A ce titre « la sphère publique est devenue un terrain de luttes,
où des interprétations différentes de la réalité sociale se disputent le droit
et la légitimité de parler au nom du public » [Raboy, 1998, p.115]. De
l’autre coté, la sphère publique n’est pas un champ unifié et homogène, mais
plutôt « fragmenté, constitué d’espaces publics partiels et composé de
lieux d’expression inégalitaires » [Miège, 2004, p.144]. De cette façon, la
sphère publique dans son ensemble se différencie sensiblement et déborde
largement l’espace public politique et institutionnalisé. Les observations qui
suivront n’ont aucunement l’ambition d’embrasser la totalité des mutations que
connaît actuellement l’espace public. Il s’agit plutôt d’une tentative de
repérage ponctuel des tendances qui caractérisent actuellement la composante
médiatique de celui-ci, en relation avec notre objet de recherche.
Elargissement
horizontal de l’espace public
La première tendance observée est celle d’un élargissement
horizontal de la composante médiatique de l’espace public. Par là nous
entendons la prise en compte croissante dans les débats nationaux d’événements
qui se déroulent à l’échelle planétaire. Comme l’a indiqué Jean Marc-Ferry en
1989, « dans le cadre de représentation que fournit l’espace public
aux sociétés humaines, les sociétés civiles, politiquement délimitées par les
frontières d’Etats-nations, pénètrent toutefois sans difficulté les unes dans
les autres, de sorte que l’espace public n’est plus seulement le lieu de la
communication de chaque société avec elle-même, mais aussi et peut-être
surtout le lieu d’une communication des sociétés différentes entre elles »
[Ferry, op.cité, p.21]. Les deux dimensions de ce phénomène sont d’une part
l’apparition des médias transnationaux qui s’adressent à des publics
socialement et culturellement hétérogènes et qui traitent essentiellement des
questions internationales. Les deux médias emblématiques, et antagonistes, de
cette évolution sont CNN et Al-Jazira. L’apparition et le succès de cette
dernière sont considérés comme l’une des principales transformations récentes
du dispositif médiatique à l’échelle internationale [Tétu, op.cité, p.8].
D’autre part, l’émergence d’organisations internationales qui interfèrent de
manière décisive avec les débats internes de chaque pays, en posant des
questions de dimension supranationale. L’exemple le plus caractéristique de
cette évolution, en ce qui concerne la France, étant l’Union européenne, et les
débats qu’a suscités dans ce pays le processus d’élargissement ou le referendum
sur le Traité constitutionnel en 2005.
De la même façon, les élections
américaines de novembre 2004 ont été suivies avec grand intérêt en France et se
sont vu accordées une couverture très important par l’ensemble des médias du
pays. Cette tendance étant particulièrement portée par l’internet, puisque les
élections en question ont eu un réel impact sur la fréquentation des sites
d’informations français, qui ont affiché une forte augmentation de leur
audience de l’ordre de 105%, le 3 novembre, jour de l’élection[39]. Or,
une telle évolution, vers l’élargissement horizontal des espaces publics
nationaux, pose des questions importantes quand à l’adéquation entre deux composantes
essentielles de la sphère publique, à savoir le traitement médiatique et
l’espace politique de prise de décision. Comme l’écrit André Vitalis,
« une communication à l’échelle du monde est une communication
décontextualisée mettant en rapport des gens vivant dans des environnements
différents. Entre eux la communauté n’est pas donnée au départ, elle est
construite. Des nouveaux espaces publics peuvent se constituer. Mais ils ne
peuvent participer au processus de décision et trouver un débouché proprement
politique » [Vitalis, 1999, p.50]. C’est la même chose que dit Dominique
Wolton, quand il écrit que « il y a peut être une mondialisation des
techniques des industries de l’information et de la communication, mais il n’y
a pas de communication mondialisée. De même il y a des industries
culturelles mondiales mais il n’y a pas de culture mondiale » [Wolton,
2003, p.24]. C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour la notion
d’élargissement de la sphère publique, plutôt que de parler de mondialisation
politique ou culturelle.
Pour D. Wolton, le principal problème
que pose cette évolution est celui de la cohabitation culturelle au niveau
mondial, puisque la « fin des distances physiques » que représentent
les médias transnationaux et singulièrement l’internet, révèle l’importance des
distances culturelles [ibid., p.17]. Selon cet auteur, pendant longtemps nous
avons associé étroitement l’augmentation du nombre d’informations disponibles
par voie médiatique à une meilleure compréhension du monde. Ceci parce que la
rareté de l’information et les techniques de communication particulièrement
contraignantes ont contribué à une assimilation entre progrès technique et
progrès social. Or, actuellement « l’écart se creuse entre des techniques
toujours plus performantes et la communication humaine et sociale
nécessairement plus aléatoire » [ibid., p.17]. Et même si l’augmentation
des flux d’information « décontextualisée », dont l’information en
ligne, ne peut rester sans effets, « il est difficile de savoir dans
quelle mesure cette mise à disposition d’un matériau informatif identique est
de nature à influencer les subjectivités et les conditions de la vie
quotidienne à l’échelle planétaire » [Proulx et Vitalis, 1999, p.10].
La difficulté pour le récepteur se trouve
dans la recherche des messages qui font sens pour lui, en relation avec son
propre environnent culturel et capital symbolique, à travers ce « magma
informationnel ». Comme l’écrit Serge Proulx, « ce trop plein
communicationnel risque en effet d’entraîner un accroissement de la confusion
mentale chez les personnes ne possédant pas la capacité de discriminer
judicieusement ce qui constitue pour elles l’information pertinente parmi la
masse de signes qui est offerte » [Proulx, 1999, p.147]. La question que
se profile alors est celle de la relation entre information et connaissance. Si
la première constitue une condition indispensable pour l’épanouissement de la
seconde, elle n’est aucunement suffisante : « il s’agit bien
d’information et pas encore nécessairement de connaissance. Pour que l’on
puisse parler de connaissance, il faut que survienne une synthèse de ces
éléments disparates au moyen d’un schéma intégrateur situé dans la conscience
du sujet qui perçoit. L’acquisition et l’intériorisation de tels schèmes
intégrateurs coïncident avec le profil des valeurs des individus, leurs
croyances, leurs idéologies » [ibid., p.148]. Or, celles-ci diffèrent
sensiblement selon la région du monde, mais également selon les spécificités
socioculturelles des publics à l’intérieur de ces régions. Dans le cas de
l’internet, ce clivage se double d’un processus d’apprentissage indispensable à
un usage efficace. Autrement dit, comme nous le savons depuis Lazarsfeld, la
mise en contact avec les mêmes informations n’implique pas les mêmes réactions
pour tous les récepteurs. Par conséquent, l’affirmation que davantage
d’information, envisagée uniquement d’un point de vue quantitatif, conduit
nécessairement à une meilleure démocratie, ce qui constitue un des fondements
idéologiques de l’ « informationalisme », n’est pas recevable.
Dans
cette configuration intervient
également le déséquilibre entre les pays quant
à leur capacité de production et
de diffusion de l’information, notamment dans la relation
Nord-Sud. Ainsi, les
informations diffusées majoritairement depuis les pays
développés sont souvent
rejetées par les récepteurs qui se trouvent dans des
espaces sociaux
différents, et sont souvent ressenties comme un
« impérialisme
culturel ». De la même façon, à
l’intérieur des sociétés occidentales, des
populations minoritaires, que ce soit au niveau culturel, religieux ou
sociopolitique, rejettent dans bien de cas le traitement que
réservent les
médias dominants à toute une série de questions.
Cette tendance les conduit à
rechercher des sources alternatives d’information, en grande
partie dans les
chaînes satellitaires et sur l’internet. Ce qui
relève d’une autre évolution de
l’espace public vers une fragmentation et une segmentation
croissante.
Fragmentation
et segmentation des publics
Effectivement, l’individualisation
croissante des pratiques sociales et médiatiques est une tendance de longue
durée, qui, comme le remarque Bernard Miège, « (se renforce) dans la
période récente par le biais du recours aux techniques d’information et de
communication, en correspondance avec un mouvement de marchandisation de
l’information, de la culture et de la communication, lui même activé par la
généralisation de l’emploi des techniques de marketing en ces domaines »
[Miège, 2004, p.146]. Ce renforcement, qui se conjugue avec une segmentation
toujours plus fine des publics par les médias, est susceptible d’ouvrir de
perspectives opposées. Ainsi, par le biais de l’augmentation de l’offre
médiatique, il facilite potentiellement l’autonomisation de l’activité
d’information des individus, qui peuvent ainsi multiplier les sources, les
angles, et aller au-delà d’une interprétation de l’actualité, éventuellement
biaisée, d’un seul média. Cette perspective améliore la compréhension du monde
et aide l’attribution du sens aux flux d’information en circulation.
Cependant, le renforcement de cette
fragmentation peut aussi réduire le champ de possibles pour une large partie de
la population qui tend à se diriger vers des médias dont elle sait que le
traitement de l’actualité sera conforme à ses propres convictions. Ceci, afin
de compenser la difficulté qui consiste à s’orienter et à effectuer des choix
pertinents dans un environnement médiatique saturé de messages. Ainsi, le fait
de regarder la chaîne libanaise Al-Manar,
affiliée à l’organisation islamiste Hezbollah et interdite de diffusion en
France par le CSA pour des propos antisémites[40],
peut conforter les
préjugés racistes d’une minorité de
populations arabes, à l’intérieur même des
pays européens dans lesquels la chaîne est
diffusée. De la même façon, le fait
pour un nombre très élevé des
téléspectateurs américains d’opter pour la
chaîne
d’information en continu Fox News
signifie à coup sûr une désinformation qui va dans le sens des stéréotypes déjà
ancrés au sein d’une partie de ces téléspectateurs.
Selon une étude de l’université de Maryland[41], la
fausse perception des pays arabes et de la religion musulmane ou la mauvaise
compréhension de questions concrètes liées à l’actualité sont habituelles dans
l’ensemble de la population américaine, malgré une offre médiatique très riche.
Ces fausses perceptions sont particulièrement présentes chez les
téléspectateurs assidus de Fox News.
En ce qui concerne la prétendue implication de Saddam Hussein dans les attentats
du 11 septembre, 49% des américains pensaient en 2003 qu’elle est réelle, alors
qu’ils étaient 67% à le penser parmi les téléspectateurs de Fox News. De même, 22% des américains
pensaient que des armes de destruction massive ont été trouvées en Irak, et ils
étaient 33% à le croire parmi les adeptes de la chaîne de Rupert Murdoch. Le
phénomène de l’émergence des médias partisans qui, contrairement à la tradition
du journalisme anglo-saxon, privilégient le commentaire et la prise de position
au détriment de l’information objective date de la fin des années 80. En 1987
l’administration de Ronald Reagan supprime la Fairness Doctrine, une
décision de la FCC (Federal Commission of Communications) datant de 1949, qui
stipule que tous les médias audiovisuels américains ont l’obligation de rendre
compte des sujets controversés avec l’expression des points de vue différents
[McIntosh et Cates, 2002]. Sous l’impulsion de l’administration Reagan, le
législateur a assimilé juridiquement les chaînes de télévision et les stations
de radio à des individus qui disposent du droit constitutionnel de s’exprimer
comme ils l’entendent. De cette façon, des médias comme Fox News ont réussi progressivement à imposer un style politisé et
partisan, qui vise à attirer des personnes dont les opinions politiques
supposées sont constamment confortées par le traitement réservé à l’actualité.
En 2004, Fox News a été la première chaîne d’information en continu américaine
sur le territoire des Etats-Unis en termes d’audience[42].
Cette tendance à une segmentation très
forte des publics, avec son corollaire d’adaptation du traitement de
l’information aux attentes supposées de ces derniers, ne touche pas seulement
le dispositif médiatique, mais s’étend graduellement dans l’espace public politique
proprement dit. Ainsi, les dernières élections américaines ont vu le
perfectionnement de la technique de micro-targeting, qui consiste pour
les candidats à modifier leurs discours politiques respectifs de façon
radicale, selon les caractéristiques propres aux différents auditoires locaux.
Ceci afin de les calquer aux aspirations et attentes du public et optimiser
leur impact en termes électoraux [Korte, 2004].
L’internet participe fortement à ce
phénomène de fragmentation de l’espace public, à travers ses caractéristiques
techniques qui, comme nous l’avons vu précédemment, permettent un
« profilage » très fin des internautes. Mais également par le biais
du choix inégalé des sources d’information qu’il met à disposition, couvrant la
totalité du spectre politique et éditorial, jusqu’à ses expressions les plus
extrêmes. D’où la multiplication de sites diffusant de l’information biaisée,
souvent apparentée à de la propagande. La volonté de résistance et la recherche
d’alternatives, face à un traitement de l’actualité jugé partial ou conditionné
par des intérêts économiques ou politiques des « grands médias »,
peuvent ouvrir des nouvelles perspectives quant à la compréhension des enjeux
sociaux et politiques. Mais elles peuvent également conduire à un raidissement
des prises de position, renforcé par une information militante qui vise avant
tout à les conforter.
Relations
publiques généralisées et espace public sociétal
Les tendances à l’élargissement et à
la fragmentation de la composante médiatique de la sphère publique sont
accompagnées d’une évolution vers un schéma de relations publiques
généralisées, auquel nous avons faire référence précédemment. L’internet et
les nouvelles techniques d’information et de communication « (jouent) un
rôle stratégique dans le développement parallèle d’un monde social où les
instruments de communication occupent une place croissante, et dans la
construction de croyances sociales qui valorisent cette notion de
communication » [Neveu, 2001, p.85]. Dans cet espace social caractérisé
par une opulence informationnelle qu’est l’internet, les Etats, les
entreprises et les organisations de toute sorte trouvent un canal de
communication institutionnelle auprès d’un public de masse. Cette
communication, comme nous le verrons plus loin, prend souvent sur l’internet la
forme d’information de presse et utilise les mêmes procédés et, dans bien de
cas, les mêmes personnels que cette dernière dans son fonctionnement concret.
Les mutations précédemment mentionnées
sont également corrélatives à l’émergence d’un espace public sociétal
caractérisé par « la publicisation des opinions ne se limitant plus à la
sphère politique, mais intégrant des opinions relevant des modes de vie ou des
modes d’être ensemble » [Miège, 2004, p.147]. Il s’agit de ce que
Jean-Marc Ferry appelle « l’extension verticale » du nouvel espace
public qui tient à la mise en scène de l’intimité professionnelle, personnelle
ou familiale [Ferry, 1989, p.22]. L’une
des expressions d’une telle évolution sur l’internet est l’apparition des weblogs
et le développement considérable des forums divers. Au moyen de ces
applications, à mi-chemin entre information et communication interpersonnelle,
un nombre croissant des personnes expriment leurs vues sur des questions
sociales ou politiques, entremêlées avec les récits de la vie quotidienne et
des expériences d’ordre personnel qui servent comme exemples justifiant telle
ou telle prise de position. Parallèlement, la composante sociétale de
l’information en ligne prend de l’importance avec l’apparition de rubriques
« people » ou « insolites », qui rencontrent un succès
considérable en termes d’audience.
Cette tendance se renforce également
par la multiplicité des usages qui se succèdent lors d’une séance de
« surf ». Comme nous l’avons vu précédemment l’utilisation de
l’internet à des fins d’information sur l’actualité, qui renvoie à la notion
d’espace public politique, se croise et se double constamment d’une utilisation
professionnelle et pratique d’une part, et d’une fonction de socialisation et
de communication interpersonnelle d’autre part. Il en résulte un brouillage des
frontières entre sphère publique, professionnelle et privée. Les usagers de
l’internet traversent ces frontières constamment, et sans changer de support,
au point que, dans leurs pratiques quotidiennes, il y a un glissement perpétuel
et automatique entre ces différents registres. Les nouveaux acteurs de
l’information en ligne, comme les portails généralistes, ne disposant pas d’une
vocation historiquement déterminée à délimiter ces différentes sphères,
n’hésitent pas à s’impliquer dans ces dernières en établissant de passerelles
entre elles. Ainsi, lors d’une visite sur un site de cette nature, les
internautes se trouvent confrontés à un éventail de services et de contenus,
comme les pages d’actualité, le courrier électronique, la recherche
d’information, la réservation des billets d’avion ou la recherche de l’âme
sœur, qui font appel à des usages différents et dont la fonction et les
implications sociales sont éloignées.
Intermédiation
technique
Enfin, une évolution importante de la
composante médiatique de l’espace public, en ce qui concerne l’internet, est
celle du remplacement progressif de la médiation journalistique traditionnelle
par une médiatisation technique. En effet, dans l’information en ligne, il
existe un nombre croissant de dispositifs techniques qui interviennent dans la
sélection, la hiérarchisation et la mise à disposition de l’information. Ainsi,
les moteurs de recherche comme les services de personnalisation et de veille,
tendent à laisser penser à une certaine disparition des médiations
traditionnelles qui se concrétisent en la personne du journaliste. Souvent, ce
processus, qui associe des outils techniques de plus en plus complexes mis au
point par des acteurs extérieurs au système médiatique traditionnel, est
considéré comme à l’origine d’une certaine désocialisation des activités
communicationnelles, perçue comme une évolution négative.
Selon Thierry Lancien, les médiations
interviennent, à un premier niveau, dans la construction même de l’information
et président au choix, à la hiérarchisation de celle-ci. [Lancien, 2003,
p.178]. Dans un deuxième niveau il y a la médiation dans les mises en discours,
c’est-à-dire dans le fait pour le journaliste de s’inscrire en tant que
personne dans l’information produite à travers des modalités diverses. Selon
l’auteur sur l’internet il s’agit de « supprimer au maximum la médiation
journalistique pour faire croire au cyberlecteur que l’information brute est forcement
objective et qu’il peut, en dehors de toute logique éditoriale, être maître du
jeu » [ibid., p.179]. L’auteur appuie sa réflexion sur l’exemple des
portails généralistes, comme Yahoo ou Wannadoo, où, selon lui, « la
tendance consiste effectivement à présenter les informations sans
hiérarchisation […]. Si l’on considère maintenant le second niveau de
médiation, celui des mises en discours et de la présentation des information,
[…] c’est toute une partie de l’activité journalistique qui est en cause (mise
à distance de l’information, analyse) […] les sites portails par exemple, ou
encore les sites de télévision, vont privilégier les dépêches et donc une
version « brute » de l’information » [ibid., pp.178-179].
Ce raisonnement est pertinent s’il
s’adresse à ce « mythe entretenu par les promoteurs des nouveaux
médias » auquel l’auteur fait référence [ibid., p.186], qui privilégie
l’accès supposé direct à l’information, en contournant les médiations
traditionnelles. En revanche, de notre point de vue, cette analyse n’est pas
recevable si elle prétend analyser le fonctionnement concret des nouveaux
acteurs de l’information en ligne. Ceci parce que comme nous le verrons lors de
l’analyse de notre recherche de terrain, derrière la montée en force de l’intermédiation
technique, se trouve en réalité une multitude des médiations
« humaines », qui sont le fait des journalistes mais également des
techniciens de l’information.
En ce qui concerne la mise à
disposition des informations brutes sous la forme de dépêches, notre recherche
empirique montre que ces dernières sont travaillées et traitées justement dans
le sens d’une diffusion directe auprès du public. Ainsi, au sein des agences de
presse qui en sont à l’origine, il y a eu progressivement, depuis le début des
années 2000, la constitution des cellules dédiées de journalistes dont le
travail quotidien consiste à réécrire les dépêches brutes, qui sont
initialement destinées aux journalistes travaillant au sein de médias
traditionnels. Ceci afin qu’elles puissent être diffusées sur l’internet, sans
traitement supplémentaire. Ces cellules commencent à acquérir une position
stratégique au sein des grandes agences de presse, puisque elles constituent en
quelque sorte leur premier « client », qui reçoit et filtre, sur une
base quotidienne, l’ensemble de la production interne. De cette façon il a des
interactions incessantes entre, d’une part, les journalistes qui produisent
l’information et ceux qui sont chargés de la réécrire en vue d’une diffusion
publique, avant même que l’information sorte des agences. Le travail de
réécriture consiste à contextualiser l’information, en rappellent quelques
éléments indispensables à la compréhension par le grand public comme
l’historique, l’identité des acteurs, les antécédents, à la simplifier et à la
mettre en relation avec d’autres événements. Au bout du processus, la dépêche à
destination des portails généralistes est très différente de celle qui
s’adresse aux journalistes des médias traditionnels, même si elle traite du
même sujet. La médiation journalistique ne disparaît pas mais elle remonte la
chaîne de production, ne se situant plus au sein du média qui touche
directement le public mais au sein de la structure chargée de la production de
l’information. Cette dernière est rémunérée en conséquence pour ce travail
supplémentaire.
En ce qui concerne la question de la
mise à disposition de l’information sans hiérarchisation ou sélection
préalable, notre recherche montre que celle-ci concerne une minorité d’acteurs,
en tout cas ceux qui sont le moins engagés dans l’information en ligne. Pour
ceux dont l’actualité constitue une activité stratégique, comme Google et
Yahoo, il y a effectivement des dispositifs de hiérarchisation et de sélection
de l’information, à la différence que celles-ci sont partiellement prises en
charge par des dispositifs techniques complexes.
Dans le cas de Google, le principe
consiste à appliquer le système de classement fondé sur un indice de popularité
des pages web appelé Page-Rank, qui a fait le succès de moteur pour la
recherche sur l’internet, à toutes les informations quelle que soit leur forme
et leur nature. De cette façon, la pertinence d’un article de presse est
proportionnée au nombre des liens hypertexte qui pointent vers lui, filtré par
l’algorithme propriété de Google. Dans le cas de Yahoo, il s’agit de mettre à
disposition des dépêches, triées et structurées par des dispositifs
complexes simulant une maîtrise de la sémantique au moyen de mots-clés et
autres éléments paratextuels, afin d’attribuer ces informations à des dossiers
thématiques, des rubriques spécifiques et les hiérarchiser quant à leur
importance en relation avec l’actualité. Dans les deux cas la composante
technique est significative mais elle se place sous un contrôle humain, exercé
par des techniciens de l’information qui assurent, de fait, une fonction
éditoriale. Ainsi, la sélection des sources est un processus éditorial, objet
d’une négociation permanente de nature économique et juridique entre les
différents acteurs impliqués comme les agences, les portails et les
sites-médias, avant d’être une opération technique.
[1] Voir Dalhgren Peter, « L’espace public et l’internet, structure, espace et communication »,
in Réseaux Volume18-No100, 2000,
pp.157-186
[2] Voir Boure Robert et Loiseau Gérard (sous la
dir.), Démocratie locale et
Internet, Sciences de la société
no 60 – octobre 2003
[3] Voir Bouiller Dominique, « La nouvelle matérialité de l’espace politique : les dispositifs de la
netpolitique » Hermès no
26-27, 2000, pp.201-211
[4] Ledun Marin, L’introduction des techniques de
l’information et de la communication dans la sphere politique. Discours et
dispositifs de construction de l’expérience politique du sujet, Thèse en
Sciences de l’Information et de la Communication, Université Stendhal Grenoble
3, octobre 2003.
[5]Voir Van Bastelaer Béatrice, Henin Laurent et Lobet-Maris Claire, Villes virtuelles. Entre Communauté et Cité. Analyse de cas, L'Harmattan, Collection Villes et Entreprises, Paris, 2000
[6] CESP, Terminologie Internet, mai 2002, (cf. Annexe 5).
[7] Pew Internet & American Life Institute, « The
Commons of the Tragedy : How the Internet was used by millions after the
terror attacks to grieve, console, share news, and debate the country’s
response», octobre 2001, enquête effectuée par téléphone entre le 12 et le 19
septembre 2001 aux Etats-Unis auprès d’une population de 2 039 individus ages
de 18 ans et plus, dont 1 138 utilisateurs de l’internet. Accessible à
l’adresse : http://www.picosearch.com/cgi-bin/ts.pl
[8] « Audience : les sites médias américains
s’invitent parmi les ténors », Journal du Net, lundi 24 septembre 2001,
non signé, accessible à http://www.journaldunet.com/0109/010924audienceus.shtml
[9] Gillespie Marie et Cheesman Tom, « Les informations télévisées et les
téléspectateurs multiethniques », in Marc Lits (sous la dir.), Du
11 septembre à la riposte, De Boeck, Bruxelles, 2004, pp.86-104.
[10]« Les sites d’infos noyés sous l’audience »,
Journal du Net, mercredi 12 septembre 2001, non signé, accessible à
l’adresse : http://www.journaldunet.com/0109/010912twmedias.shtml
[11] Pew Research Center for the People & the Press, « Americans lack background to follow international news », juin 2002, enquête effectuée par téléphone entre le 26 avril et le 12 mai 2002 aux Etats-Unis auprès d’une population de 3 002 individus ages de 18 ans et plus. Accessible sur : http://people-press.org/reports/display.php3?ReportID=156
[12] Audience Affinity Study, OPA - ComScore, Octobre 2002,
étude effectuée aux Etats-Unis auprès d’une population de 1,5 millions
d’individus utilisateurs de l’internet par capture passive, et complétée par un
questionnaire en ligne. Accessible sur : http:// www.online-publishers.org/
pdf/opa_affinity_study_oct02.pdf
[13] Premier Baromètre des sites médias, Geste – Médiametrie, janvier 2003, étude effectuée auprès d’un échantillon représentatif de la population d’internautes à domicile en France par capture passive, complété par 2 027 entretiens téléphoniques en octobre 2002. Les souscripteurs sont les suivants : Les Echos, Europe1, e-TF1, Groupe Express-Expansion, Le Monde, M6, Nouvel Observateur, Le Parisien, RTL, Télérama, Web 66, ZDNet. (cf. Annexe 3).
[14] UCLA Center for Communication Policy, « The UCLA
Internet report – Surveying the digital future », janvier 2003, enquête
effectuée par entretien téléphonique auprès de 2 000 foyers américains entre
novembre et décembre 2002. Accessible sur : http://ccp.ucla.edu/pages/internet-report.asp
[15] Project for Excellence in Journalism, Columbia
University Graduate School of Journalism, « The State of the News Media
2004 », mars 2004, étude effectuée par une synthèse d’éléments statistiques
déjà disponibles. Accessible sur : http:// http://www.stateofthenewsmedia.org/
[16] Source : Classement du panel Médiametrie/Nielsen – NetRatings, catégorie News & Information, recueilli auprès de François - Xavier Hussherr, responsable des études internet au sein de Médiamétrie, (cf. Annexe 4).
[17] Source : « L'effet guerre sur les sites
d'infos », Jérôme Colombain, France Info, Lundi 21 Avril 2003, accessible
sur : http://www.radiofrance.fr/chaines/france-info/chroniques/hightech/index.php?m=3&chro_diff_id=5496
[18]Pew Internet & American Life Institute, « The
Internet as a unique news source », juillet 2004, enquête effectuée par
téléphone entre le 15 mai et le 17 juin 2004 aux Etats-Unis auprès d’une
population de 2 200 individus ages de 11 ans et plus. Accessible sur : http://www.pewinternet.org/reports
[19] Voir à ce sujet Mercier Arnaud et Charon Jean-Marie
(sous la dir.), Armes de communication massive, informations de guerre en
Irak : 1991-2003, CNRS Editions, Paris, 2004.
[20] «New prison images emerge», Davenport Christian,
Washington Post, jeudi 6 mai 2004, accessible à l’adresse : http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A5623-2004May5.html
[21] «We’re functioning
with peacetime constraints in a wartime situation in the Information Age.
People are running around with digital cameras and taking these unbelievable
photographs and then passing them off, against the law, to the media, to our
surprise». Source: « US powerless
to halt
[22] Voir à ce sujet Marthoz Jean-Paul, « Media culpa, media maxima culpa »,
in Marc Lits (sous la dir.), Du 11 septembre à la riposte, De Boeck,
Bruxelles, 2004, pp.141-147.
[23] En janvier 2005 les journalistes en question sont Pascal Riché (correspondant à Washington), Fabrice Rousselot
(correspondant à New York), Pierre Haski (correspondant à Pekin) et Emmanuel
Davidenkoff pour Libération, et Corinne Lesnes (correspondante à New York),
Eric Le Boucher (rédacteur en chef) pour Le Monde.
[24] Project for Excellence in Journalism, mars 2004,
op.cité.
[25] Institute for Politics, Democracy & the Internet,
«Political Influentials Online in the 2004 presidential campaign», George
Washington University Graduate School of Political Management, février 2004,
étude effectuée aux Etats-Unis auprès d’une population de 1,5 millions
d’individus utilisateurs de l’internet, par capture passive et complétée par 1
392 entretiens téléphoniques. Accessible sur : http://www.ipdi.org/influentials/Report.pdf
[26] Selwyn Neil, Gorard
Stephen et Furlong John, « Whose Internet is it Anyway ? Exploring
Adults’ (Non) Use of the Internet in Everyday Life », European Journal of Communiction Vol. 20 No 1, Mars 2005, pp. 5-25.
[27] L’essentiel des résultats de l’enquête a été publié
dans l’article suivant : D’Armagnac Bertrand et Mathieu Bénédicte,
« L’information tend à devenir un produit de consommation », Le
Monde, jeudi 23 décembre 2004, (cf. Annexe 7).
[28] L’étude en question a été publiée en exclusivité par
le journal Le Monde, quelque temps après que ce dernier ait rendu
publics les chiffres concernant la baisse de son lectorat et ses problèmes
financiers, suivi par la démission de son directeur de la rédaction Edwy Plenel
et l’annonce des changements éditoriaux importants. Ce qui peut faire penser
qu’il s’agit d’une commande du journal dans une visée stratégique.
[29] Entretien de Denis Muzet,
président de l'Observatoire du débat public, accordé à Annick
Peigne-Giuly, Libération, lundi 3 janvier 2005 (cf. Annexe 7). Denis Muzet est
fondateur de Médiascopie, cabinet d’études spécialisé
dans la communication institutionnelle d’entreprises et de pouvoirs publics et
enseignant au DESS de Communication politique et sociale à la Sorbonne, Paris
IV.
[30]
Accessible sur : http://www.stanford.edu/group/siqss/SIQSS_Time_Study_04.pdf
[31] Online Publishers Association, « At Work Internet
Audience Media Consumption Study », mai 2003, étude effectuée aux
Etats-Unis auprès d’une population représentative d’individus utilisateurs de
l’internet dans leurs lieux de travail entre le 14 et le 25 janvier 2003, par
capture passive et complétée par un questionnaire en ligne. Accessible à
l’adresse : http://www.opa-europe.org/IMG/pdf/1_atworkeurope2pdf-2.pdf&e=9797
[32] OPA Europe, « Internet : le moyen idéal pour
démarcher des consommateurs pendant la journée », septembre 2004, étude
effectuée en France, en Italie, en Espagne, en Allemagne et en Grande Bretagne.
Méthodologie non mentionnée. Résumé accessible sur le site http://www.opa-europe.org
[33] EIAA - Millward Brown, « European Media
Consumption Study 2004 », octobre 2004, étude effectuée pendant le mois
d’octobre 2004 dans cinq pays européens (France, Grande-Bretagne, Italie,
Espagne et Allemagne), auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 individus
par pays, soit au total 5 000 personnes, par entretien téléphonique. Accessible
à l’adresse : http://www.eiaa.net/case-studies/shwCaseStudies-item.asp?id=53&lang=
[34] Ipsos, « Profiling 2004 : le profil des visiteurs de 300 sites et portails internet », 27 décembre 2004, (cf. Annexe 9).
[35] Pew Internet & American Life Institute,
« Latest trends : internet daily activities », mai - juin 2004,
accessible sur : http://www.pewinternet.org/trends/Daily_Activities_12.20.04.htm
[36] Source : Médiamétrie - L’Observatoire des Usages
Internet, décembre 2004.
[37] Source : ART - Observatoire du marché de l’Internet, juillet 2004.
[38] Médiametrie, « L’année internet
2003 », janvier 2004, accédé à l’adresse http://www.mediametrie.fr,
indisponible actuellement.
[39] Source : Médiamétrie - L’Observatoire des Usages
Internet, novembre 2004.
[40] Voir à ce sujet : « Après
la diffusion de programmes racistes Raffarin reprend en
main le dossier Al-Manar », Paule Gonzalèz, Le
Figaro, lundi 3 janvier 2004 et « Al-Manar, indésirable en
France », Dominique Raizon, RFI.fr, vendredi 3 décembre 2004.
[41] Program for
International Policy Attitudes,
[42] The
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