4.2 L’internet comme source d’information médiatique et ses implications pour la sphère publique

La question de l’intégration progressive de techniques d’information et de communication à l’espace public a été envisagée de multiples façons par la recherche scientifique : sous l’angle des caractéristiques spécifiques de l’internet[1], en relation avec la démocratie locale[2] ou la communication politique[3], dans la construction de l’expérience politique[4] ou la problématique des communautés[5]. Les travaux en question se concentrent sur différentes applications du réseau : celle d’outil de communication interpersonnelle, au moyen du courrier électronique et du tchat ; celle d’espace d’échange collectif, à travers les forums et les listes de diffusion ; celle enfin de média d’information et de communication, c’est le cas des sites institutionnels de gouvernements, de collectivités locales, d’organisations internationales, d’associations ou de partis politiques. Pour notre part, nous proposons ici d’étudier la question du point de vue des médias d’information. Notre approche se concentre sur les modalités de mise à disposition des nouvelles et envisage l’internet comme une extension du système médiatique, à travers son utilisation à des fins d’information sur l’actualité. Pour y parvenir nous allons effectuer une synthèse des études disponibles qui rendent compte de cette utilisation en termes quantitatifs et, dans une moindre mesure, qualitatifs.

 

Précautions méthodologiques

Cette synthèse présuppose un certain nombre de précautions méthodologiques. Premièrement, la portée des études auxquelles nous allons nous référer est différente selon les espaces géographiques et les populations qui ont été prises en compte. Il s’agit essentiellement des données qui concernent les Etats-Unis, l’Europe et la France. Les enseignements tirés de l’analyse des enquêtes en question qui s’appliquent en Amérique du Nord ne sont pas nécessairement transposables en France. Néanmoins, nous présupposons une relative cohérence entre les différents pays occidentaux en ce qui concerne les traits généraux. Ceci en raison de la proximité socioculturelle, le niveau de vie comparable mais également parce que les stratégies des acteurs impliqués se calquent souvent sur des modèles d’affaires importés des Etats-Unis.

Deuxièmement, les méthodologies et les définitions appliquées à chaque étude diffèrent selon les cas. Ainsi, la définition de l’internaute est différente selon les pays ou les organismes qui réalisent les études. En France, la définition retenue par le CESP (Centre d’étude des supports de publicité), qui est appliquée dans les études d’audience effectuées par Médiamétrie et Nielsen-NetRatings est la suivante : « une personne qui, au cours des trente derniers jours, a utilisé Internet, quels que soient les lieux de connexion (foyer, bureau, école) et la fonction utilisée (messagerie, consultation de sites, téléchargement de fichiers) »[6]. L’âge limite de l’échantillon restant à la décision du sondeur, il est dans le cas de Médiamétrie de deux ans ou plus. Les mêmes précautions concernent également tous les autres notions utilisées d        ans les enquêtes sur les usages de l’internet, comme les périodes prises en compte, la méthodologie (sondage par téléphone ou observation du comportement en ligne), les mesures (visiteurs uniques, visites, trafic, pages vues, connexions) et la taille de l’échantillon.

Enfin, les sources consultées proviennent d’organismes officiels (ART), de centres de recherche indépendants (Pew Internet & American Life Institute), d’entreprises de mesures d’audience (Médiamétrie/Nielsen-NetRatings, ComScore), d’universités ou d’organisations interprofessionnelles (Geste, OPA et OPA Europe). Ces enquêtes ont été recueillies avec une attention particulière quant à la fiabilité de leur provenance et la validité des données qu’elles comportent. Cependant, l’évaluation des résultats doit être faite en relation avec la structure qui les a produits et avec ses objectifs. Ceci est indispensable en ce qui concerne les organisations interprofessionnelles, dont les études sont orientées vers des préoccupations commerciales, notamment la valorisation des supports adhérents sur le marché publicitaire.

 

4.2.1 Du 11 septembre à la guerre en Irak : la consolidation de l’information en ligne

Si nous voulons marquer une date symbolique dans le processus de l’émergence de l’internet comme un média d’information de masse concernant l’actualité, celle-ci ne pourrait être autre que le 11 septembre 2001. L’apparition des sites d’information, aux Etats-Unis comme en France, est largement antérieure à cette date. Cependant, les événements tragiques de ce jour ont contribué doublement à la constitution d’un public de masse pour l’information en ligne : d’une part ils ont déclenché une augmentation de l’audience des sites d’information au niveau mondial, qui, tout en étant ponctuelle, a marqué le passage à une étape quantitativement et qualitativement supérieure en ce qui concerne la consultation de l’information en ligne dans son ensemble ; d’autre part ils ont initié une série de conflits géopolitiques qui ont alimenté une actualité très forte et continue à un rythme particulièrement soutenu. Il s’agit d’événements comme la guerre en Afghanistan, les attaques terroristes dans divers endroits du monde ou la guerre en Irak et ses conséquences, qui ont particulièrement intéressé des publics de masse à l’échelle internationale et qui ont vu l’émergence d’usages nouveaux.

 

L’explosion de l’audience des sites d’information

Selon une étude du Pew Institute, réalisée dans le mois qui a suivi les événements du 11 septembre[7], le pourcentage des internautes américains qui déclaraient consulter des sites d’information durant une journée moyenne est passé de 22% avant les attaques à 27% le mois qui les a suivi. Le nombre total de personnes connectées au réseau le jour même des attaques est tombé à 130 millions de 159 millions les jours précédents. Ceci est attribué par l’étude à l’effet de la télévision, qui a attiré des nombreux internautes suivant l’évolution des événements en direct. Cependant, les personnes qui ont utilisé l’internet l’ont fait de manière très intense, en visitant plus des sites et en y restant plus longtemps que la moyenne. Dans l’ensemble, plus de la moitié des internautes américains, soit approximativement 53 millions de personnes à l’époque, ont utilisé l’internet afin de consulter des sites d’information. Ces derniers ont connu une explosion de leur audience, partiellement due aux consultations depuis l’étranger qui se sont multipliées. Ainsi le 11 et le 12 septembre 2001 l’audience de cnn.com a augmenté de 680% pour atteindre 12 millions de visiteurs, celle de msnbc.com a augmenté de 236% pour 9,5 millions de visiteurs, celle du cbs.com a augmenté de 819% pour 1,7 millions de visiteurs et celle du washingtonpost.com a augmenté de 225% pour atteindre 1,2 millions des visiteurs. D’un point de vue qualitatif, les usagers ont semblé diversifier les contenus accédés, 15% d’entre eux ayant consulté des vidéos ou des reportages sonores. Ils ont également effectué de la veille d’information autour de l’événement, puisque 7% d’entre eux ont souscrit à une alerte par courrier électronique. L’étude conclut que, dans l’ensemble, le média dominant dans les foyers américains pour la couverture des attaques a été la télévision, même en ce qui concerne les internautes assidus. Effectivement, les consultations de sites d’information se sont concentrées principalement dans les lieux de travail.

Ainsi une comparaison des résultats d’audience auprès du panel américain de Nielsen-NetRatings dans les lieux de travail la semaine précédant les événements (du 3 au 9 septembre) et la semaine où se sont déroulés les attentats (du 10 au 16 septembre)[8], montre une augmentation considérable. Entre les deux périodes, le cumul des audiences des vingt-cinq premiers sites d’information américains a augmenté de 17%, passant de 120,5 à 140,75 millions de visiteurs. Cette augmentation des consultations depuis le bureau a profité à quelques portails comme AOL ou MSN, qui ont vu leur audience globale augmenter respectivement de 26 et de 20%. Mais les croissances les plus fortes ont touché des groupes médias, comme Walt Disney Internet Group (+62%,), propriétaire de plusieurs journaux en ligne,  le groupe de presse Gannett, (+70%) et le New York Times (+116%). Dans l’ensemble, il apparaît que l’internet n’a pas constitué la première source d’information pour les américains, c’était le rôle de la télévision essentiellement, mais un moyen complémentaire pour rechercher, approfondir et mettre en perspective les informations disponibles sur les événements du 11 septembre. Ce qui a contribué à augmenter l’audience de tous les sites d’information dans la période qui a suivi, aux Etats-Unis comme en Europe. Les raisons de cette augmentation paraissent multiples, mais pour une partie des internautes la principale motivation a été la recherche d’un traitement différent de celui des médias audiovisuels dominants. Ainsi, dans une étude effectuée en Grande Bretagne[9] auprès de populations ethniques minoritaires, il apparaît que les informations trouvées sur l’internet sont devenues une source très importante pour les internautes de religion musulmane. Ces derniers ont exprimé leur mécontentement à l’égard de services d’information traditionnels comme cause principale de leur recherche d’alternatives [Gillespie et Cheesman, 2004, p.101]

En France, les attentats ont crée un tel engouement pour l’information en ligne que de nombreux sites n’ont pas supporté l’augmentation soudaine du trafic et se sont mis hors service dans les heures qui ont suivi[10]. Ca a été le cas des sites de l’AFP, de Europe 1, de France 2, de France Info, de LCI, de Reuters, RTL, TF1 et Yahoo. D’autres, comme lemonde.fr, liberation.com ou nouvelobs.com, ont réussi à rester accessibles grâce à des versions allégées de leurs pages. Effectivement, comme nous avons pu le constater lors de notre recherche de terrain, le 11 septembre a constitué un tournant pour les responsables des sites d’information français. D’une part ils se sont confrontés à des difficultés techniques et ont dû se préparer à des affluences massives et ponctuelles d’audience, ce qui n’était pas le cas auparavant. D’autre part, au niveau éditorial, le traitement d’une actualité très forte et à rythme soutenu a conduit certains d’entre eux à modifier progressivement leur fonctionnement interne dans le sens d’une plus grande disponibilité des journalistes et des rédacteurs afin qu’ils puissent mettre à jour les sites avec les dernières nouvelles.

L’effet du 11 septembre sur l’audience des sites d’information au niveau international s’est quelque peu estompé par la suite. Ainsi, selon une autre étude du Pew Institute[11], en 2002, 25% des internautes américains en moyenne se sont connectés au réseau expressément dans l’objectif de consulter les actualités, une petite augmentation par rapport aux 23% de 2000. Cependant, l’usage de l’information en ligne dans cette période se révèle substantiel parmi les personnes interrogées âgées de moins de trente ans, pour qui l’internet constitue la deuxième source d’information, juste derrière la télévision. Un élément intéressant, soulevé par l’étude en question, est le rôle de l’internet en tant que moyen de mise en contact indirect avec l’actualité : 65% des internautes américains interrogés ont déclaré avoir été interpellés par une nouvelle, par hasard, lors d’une séance de « surf » dont l’objectif était différent. La croissance la plus importante, en ce qui concerne les thématiques consultées par les internautes américains, a été observée dans la politique et l’international, deux segments « nobles » de l’information : 55% d’entre eux ont déclaré s’intéresser à l’actualité internationale, ce qui constitue une augmentation de 10% par rapport à 2000. De même, le pourcentage de ceux qui ont consulté les sites d’information pour l’actualité politique a augmenté de 11%, passant de 39 à 50% des personnes interrogées entre 2000 et 2002. Il semble que les événements dramatiques du 11 septembre, et ceux qui ont suivi, ont déclenché un intérêt particulier chez les internautes américains pour les segments de l’information qui leur sont liés, c’est à dire les questions de politique intérieure et des relations internationales.

 

Evolution qualitative des usages et affinité

A la même époque, nous observons également un changement qualitatif en ce qui concerne les habitudes des usagers de l’information en ligne. Ainsi, l’OPA (Online Publishers Association) une organisation interprofessionnelle américaine qui regroupe les sites d’information en provenance des médias, a effectué une étude[12] courant 2002, afin de mettre en évidence le « degré d’affinité » entre les internautes et les sites consultés. Il s’agit en réalité d’un effort de la part des sites d’origine médiatique de valoriser en termes qualitatifs leur audience, auprès des annonceurs publicitaires. Ceci en mettant en avant les relations de confiance qu’ils établissent avec leurs visiteurs réguliers. Malgré l’objectif commercial d’une telle tentative, et les précautions qu’il doit entraîner, l’étude en question relève des éléments intéressants. Il y apparaît que les internautes pour lesquels l’index d’affinité est le plus élevé, c’est à dire ceux qui visitent un site d’information régulièrement, sont également susceptibles d’y rester plus longtemps, de le recommander à leur entourage et d’y puiser une grande partie des informations qui les intéressent. Mis à part le fait qu’une telle audience apparaît comme particulièrement intéressante en termes publicitaires, nous pouvons déduire également que, pour une partie significative du public, l’internet devient une source primordiale d’information sur l’actualité. Ce qui entraîne des habitudes et des préférences relativement stables quant au choix des sites consultés.

La même démarche a été suivie en France par le Geste (Groupement d’éditeurs des services en ligne), qui a réalisé une étude similaire entre mai et juillet 2002[13]. Les résultats font état d’une audience considérable pour les treize sites souscripteurs, puisqu’ils totalisent plus de 3 millions de visiteurs et 400 millions de pages vues pendant la période prise en compte. En tout, 52,4% des internautes interrogés déclarent avoir consulté un site d’information pendant le dernier mois, soit, après extrapolation à l’ensemble de la population, 9 millions de personnes au total. Dans l’étude en question, il y a un partage assez net entre la perception que les usagers français ont du rôle des sites d’information en provenance des médias, et celui des portails généralistes. Les premiers sont davantage sollicités quand il s’agit de s’informer sur l’actualité de manière sûr, d’approfondir un sujet ou d’accéder à des analyses ou à des commentaires, alors que les seconds sont plutôt consultés à des fins de divertissement, de consommation et de recherche. Comme dans les études américaines précédemment citées, la cible principale des sites d’information français est constituée d’ internautes relativement jeunes, 30% d’entre eux étant âgés de 25 à 34 ans, assidus, 58% d’entre eux se connectent au réseau tous les jours ou presque, et expérimentés puisque 48% d’entre eux utilisent l’internet depuis au moins trois ans.

Ces résultats sont concordants avec ceux d’une étude effectuée aux Etats-Unis par l’université UCLA[14]. En effet, il y apparaît que la fréquence et la durée de consultation des sites d’information est proportionnée au temps passé en ligne. Ainsi, les usagers assidus, définis comme les personnes qui passent plus de 120 minutes par jour connectés à l’internet, consultent les sites d’information pour une durée moyenne de 225 minutes par semaine, alors que les personnes qui se connectent moins longtemps ne passent que 145 minutes par semaine sur les sites d’information. De même, les internautes âgés de 25 à 34 ans consultent davantage, à hauteur de 55%, les sites d’information dans une semaine moyenne. La notion d’affinité est également perceptible, puisque l’indice de confiance des usagers concernant les informations disponibles sur l’internet augmente quand il s’agit de leurs sites favoris. Alors que seulement 48% des internautes américains considèrent que la majorité des informations disponibles sur l’internet sont fiables, le pourcentage monte à 81,6% quand il s’agit des sites qu’ils consultent régulièrement. Nous pouvons en déduire que dans certains cas, notamment pour les sites en provenance des médias audiovisuels et de la presse, la marque sert de gage de fiabilité et d’exactitude de l’information pour les usagers.

 

L’effet de la guerre en Irak

Selon une recherche effectuée par l’université de Columbia[15], l’audience des sites d’information américains a augmenté de 70% en moyenne dans la période comprise entre mai 2002 et octobre 2003. Cette croissance est de loin supérieure à celle de tous les autres types d’usages mesurés. Les deux sites d’information les plus populaires aux Etats-Unis, cnn.com et msnbc.com, ont attiré 20 millions d’internautes chacun en octobre 2003.  Les deux suivants, yahoo.com et aol.com, ont attiré respectivement 17 et 16 millions de visiteurs dans la même période. Pour le même mois, en France, les trois premiers sites d’information qui étaient dans l’ordre, les pages d’actualité de yahoo.fr, aol.fr et lemonde.fr, ont concentré une audience de 914 000, 705 000 et 702 000 visiteurs respectivement[16].

Cette audience importante est partiellement due à la guerre en Irak et l’occupation du pays par l’armée américaine, dont l’évolution incertaine, ponctuée d’événements dramatiques, a attiré un nombre significatif d’internautes sur les sites d’information. Le pic de cette audience a été observé les premiers jours de l’intervention en mars et avril 2003. Les internautes français ont passé en moyenne, au mois de mars 2003, 50 minutes de plus que d’habitude sur l’internet pour s’informer. Le site du journal Le Monde est devenu, momentanément, le premier site d’information français. Selon Bruno Patino, Directeur Général du Monde Interactif à l’époque, le site est passé de 350 000 visites par jour en temps normal à 1 million pendant la guerre[17]. 

L’effet de la guerre en Irak sur l’audience des sites d’information américains a été également mis en évidence par une étude du Pew Institute sur la question[18]. Il en ressort que 66% des internautes ayant consulté de sites d’information ont déclaré l’avoir fait en raison de la variété de la couverture des événements qu’ils ont trouvée sur l’internet. 23% ont cherché de l’information sur les effets de la guerre sur le marché financier, 15% ont voulu savoir davantage sur l’Irak, son histoire et ses habitants et 9% ont recueilli des conseils sur la façon de se préparer dans l’éventualité d’attaques terroristes. En récapitulant les résultats des plusieurs vagues d’enquêtes, les responsables de l’étude ont constaté une augmentation spectaculaire de l’audience globale des sites d’information qui est passé de 54 millions de visiteurs en mars 2000, date de la première enquête, à 92 millions lors de la dernière en juin 2004. Le trait le plus intéressant de cette étude, qui confirme les résultats précédemment cités, est que pour une bonne partie des américains l’internet constitue dorénavant une source disponible pour des informations qui ne sont pas traitées par les médias dominants. Ainsi, 24% des internautes interrogés déclarent avoir utilisé l’internet afin d’accéder à des nouvelles, des photos ou des vidéos que les médias mainstream n’ont pas voulu publier. Le même pourcentage déclare avoir vu en ligne des photos qui ont été jugées trop dérangeantes pour être publiées par les médias audiovisuels et par la presse, et un tiers des personnes ayant visualisé de telles images disent les avoir activement recherchées.

 

L’internet comme canal d’information alternative

 Cette caractéristique doit être reliée à l’effort considérable consenti par l’administration américaine afin de contrôler les images et les reportages sur la guerre, à travers un travail intense de pression auprès des médias américains[19]. Comme le rappelle Arnaud Mercier, à propos des images de soldats américains morts en Irak, il a fallu attendre fin avril 2004, soit un an après le début de la guerre pour voir les premières photos des cercueils, non pas sur un média dominant, mais sur un site internet [Mercier, 2004, p.157]. En effet, des photos prises par des photographes militaires sur la base de Douvres ont été publiées d’abord sur le réseau, avant que des journaux américains comme le Seattle Times et le Washington Post décident de publier d’autres images de la même nature à la Une.

De même que les photos des tortures, infligées par des soldats américains à des prisonniers irakiens dans la prison d’Abou Ghraib, ont suivi un circuit de publication alternatif (prise de photos numériques par des soldats, envoi à des amis ou la famille aux Etats-Unis par courrier électronique, publication sur des sites web), avant d’être récupérées par la presse[20]. Ce qui a fait dire à Donald Rumsfeld, secrétaire d’Etat à la défense américain : « nous fonctionnons avec des contraintes de temps de paix dans une situation de guerre à l’âge de l’information. Des gens se baladent avec des cameras numériques, prenant ces photos incroyables et les transmettant aux médias, à l’encontre de la loi et à notre grande surprise »[21]. Dans cette configuration l’internet apparaît comme un canal d’information parallèle, qui échappe partiellement à la conformité du traitement de l’information imposée en temps de guerre par le gouvernement, et endossée par la majeure partie des médias. Comme l’écrit Jean-François Tétu, « le soupçon qui depuis Timisoara et la guerre du Golfe pèse sur les médias, tend à faire apparaître Internet comme plus sûr, en tout cas moins soumis au contrôle des autorités […] c’est la prolifération d’images de source non journalistique (et liée à Internet), qui font du journaliste un commentateur d’images face auxquelles il n’est rien. Le journaliste se voit contraint de déplacer son investigation vers des discours non authentifiés et des images souterraines dont il lui faut bien rendre compte » [Tétu, 2004, p.8].

 Les médias américains ont été effectivement très critiqués sur leur traitement de la guerre en Irak, notamment en ce qui concerne les raisons invoquées par l’administration américaine pour justifier l’invasion. Ce qui a conduit un certain nombre de journaux de référence à s’excuser auprès du public, pour s’être mis trop souvent en conformité avec les injonctions du gouvernement[22]. Cette évolution des médias aux Etats-Unis est déterminante pour ce qui nous concerne ici, parce que elle a poussé indirectement un grand nombre d’américains à rechercher des sources d’information alternatives, principalement sur l’internet.

D’où le développement des weblogs, ces carnets que publient les internautes sur leurs pages personnelles et qui traitent des sujets divers. Deux tendances ont caractérisé la dernière période en ce qui concerne l’information en ligne : d’une part l’apparition des weblogs des journalistes professionnels; d’autre part l’émergence des warblogs, c’est à dire des carnets traitant essentiellement de la guerre en Irak, corrélative avec la professionnalisation de webloggers amateurs. Depuis quelques années, un nombre croissant des journalistes professionnels trouve sur l’internet une possibilité d’exprimer des avis ou des analyses qu’ils ne peuvent ou ne veulent pas publier sur leurs médias d’origine respectifs. Cette pratique, qui a constitué à l’origine un moyen pour un journaliste d’exprimer des vues divergentes de celles de sa rédaction, a été progressivement récupérée par les médias. C’est ainsi qu’en 2004 quatre correspondants du quotidien français Liberation tiennent chacun un weblog, hébergé et promu par le journal, de même que plusieurs journalistes du Monde[23]. Les warblogs, inversement, tendent à professionnaliser l’activité du blogger amateur. Comme l’écrit Florence Le Cam, « en souhaitant se démarquer de la publication traditionnelle, ces carnetiers ont dû, en cours de la guerre en Irak, s’inscrire dans cette même logique d’interactions paradoxales entre le public, les sources et les pairs […] ce phénomène des carnets de guerre participe pleinement au débat sur les transformations du journalisme et la mise en évidence de ses insuffisances. Mais il peine à s’en démarquer » [Le Cam, 2004, p.97].

L’une des caractéristiques principales des weblogs est leur hétérogénéité. Ainsi il est difficile d’extrapoler les tendances observées ponctuellement à leur ensemble. Selon une recherche américaine[24], le nombre approximatif des weblogs était en 2003 d’un peu plus de 4 millions, dont 66% abandonnés par leurs initiateurs. Un quart d’entre eux ont été utilisés une seule fois. Seul 2,6% des carnets en question, approximativement 100 000, sont mis à jour au moins une fois par semaine, et parmi eux seulement 10% comportent des liens vers des sites d’information, ce qui les rapprocherait aux thématiques liées à l’actualité. En fait, selon la même étude, 52% des weblogs sont tenus par des adolescents. Nous pouvons ainsi déduire que seule une infime minorité des weblogs existants accède au statut de source d’information régulière pour un public conséquent, et ceux qui y parviennent sont souvent le fait des journalistes professionnels ou d’amateurs « professionnalisés ». Cependant, le phénomène participe de manière croissante à l’intégration de l’internet au dispositif médiatique, particulièrement quand il s’agit de s’informer sur des événements ou des actualités particulières, au moyen d’un blog spécialisé. Selon le Pew Institute, 9% des internautes américains déclarent avoir consulté souvent un weblog afin de s’informer sur les élections américaines, d’où une augmentation significative de l’audience des carnets politiques durant la période précédant le mois de novembre 2004.

 

Internautes citoyens et surconsommation médiatique

Effectivement, les dernières élections américaines ont vu apparaître une catégorie d’internautes particulièrement impliqués dans la vie politique de leur pays au moyen de l’internet, qui tendent vers cet internaute idéal auquel font référence les utopistes de la « cyberdémocratie » : ils sont des usagers actifs, qui produisent et diffusent souvent de l’information au moyen de leurs sites personnels et qui s’impliquent au sein d’associations ou d’organisations politiques dans le processus électoral. Une étude effectuée par l’université George Washington[25], définit cette catégorie d’internautes-citoyens, dont la dénomination dans la recherche en question est OPC (Online Political Citizens), comme approximativement 7% de la population américaine. L’ensemble de cette population, dont la majorité est constituée par des leaders d’opinion, c’est-à-dire par des personnes ayant une influence et une capacité de persuasion sur leur entourage, est mieux éduqué, plus riche et plus âgé que la moyenne des internautes américains.

 Les personnes en question ont visité un site d’information en relation avec un thème politique et dans une période récente à hauteur de 84%, alors que la proportion équivalente pour l’ensemble des internautes est de 42%. Cependant, les internautes-citoyens sont de gros consommateurs d’information en général, puisqu’il apparaît de l’étude en question qu’ils lisent plus la presse que la moyenne des internautes américains. En ce qui concerne la radio et la télévision, leur usage est équivalent à la moyenne, à la différence qu’il s’articule souvent avec l’utilisation de l’internet, dans des séances de « surf » où la télévision ou la radio restent allumés en même temps. L’enquête conclut que les personnes en question sont des « accros de l’actualité » (news junkies), et que l’internet vient se greffer à cette caractéristique préexistante. Le fait que l’usage de l’internet correspond à des habitudes et des pratiques antérieures est également mis en évidence dans une enquête approfondie effectuée auprès d’une population d’internautes en Grande Bretagne[26].

Une tendance similaire, vers une surconsommation médiatique, est observée en France, mais dans un autre contexte. Ainsi, une enquête qualitative auprès d’une cinquantaine des personnes réalisée par l’Observatoire du débat public, relève que les français ont sensiblement modifié leurs habitudes ces dernières années, quant à leur manière d’accéder à l’information. Il y est question de la multiplication de sources et d’une certaine boulimie de médias, qui conduirait, selon cette étude, à une sorte de « mal info »[27]. L’organisme à l’origine de cette étude étant privé, et l’étude étant une commande d’un ou des plusieurs de ses abonnés, nous ne pouvons pas clairement identifier ses motivations et ses objectifs[28]. Certaines conclusions de l’enquête, comme la valorisation du concept de « média référent », c’est-à-dire celui vers lequel l’individu se tourne de manière systématique, ou la mise en garde contre l’information brève, par opposition à l’information longuement développée, sont des éléments qui font penser que l’enquête a un objectif indirect qui est de valoriser la presse traditionnelle face aux « nouveaux » médias. Ainsi, le directeur de l’Observatoire du débat public déclare que « l’information idéale est désormais la dépêche de l’AFP. Plus elle est brève, plus elle paraît crédible. Et c’est le danger. Avec elle, c’est la montée de l'info en continu. Un boulevard pour tout ce qui est fast news »[29]. Quoi qu’il en soit, et ces précautions ayant été prises en compte, l’enquête sur la « mal-info » en France relève des éléments intéressants et concordants avec ceux précédemment mentionnés, quant à l’utilisation de l’internet à des fins d’information et son articulation avec les autres médias.

Il apparaît des résultats rendus publics que des événements tragiques, comme le 11 septembre, l’épidémie de SRAS ou la guerre en Irak, ont renforcé un besoin de suivre en direct leur déroulement. Les consommateurs des médias français cherchent à être en alerte sur toute une série d’événements, qui peuvent être très éloignés géographiquement, car ils semblent penser que leur vie quotidienne peut en être touchée. Cette position de veille pousse à une volonté de se tenir informé par « grignotages » d’actualités de manière répétée et rapide dans le foyer, mais également dans les transports ou au travail, en « piochant » et « picorant » dans différents médias. D’où le développement significatif des audiences des médias gratuits d’information en continu, comme les stations de radio, mais également les sites internet, qui s’intègrent bien dans cette nouvelle configuration. Les auteurs de l’enquête interprètent cette situation de deux façons : d’une part cette surconsommation d’information se double d’une certaine superficialité dans son interprétation. Ainsi, les réponses des personnes interrogées sur des sujets d’actualité précis révèlent une certaine confusion quant au contexte, au déroulement exact des événements et à l’identité des acteurs impliqués. Mais, d’autre part, il apparaît que certaines des personnes interrogées cherchent à se faire une idée des enjeux de l’actualité par elles-mêmes, sans passer par le filtre d’un seul média. En combinant plusieurs sources, notamment en provenance de l’internet, elles manifestent un désir d’autonomie quant au sens à donner aux événements.

 

Temporalité, articulation inter-médias et consultation depuis le lieu de travail

Les résultats de cette enquête, indépendamment de leur portée véritable, posent une question particulièrement pertinente pour notre approche, qui est le fait de connaître la manière dont l’usage de l’internet s’articule avec celui des autres médias. En effet, selon une étude de l’université de Stanford[30], les résultats obtenus sont partiellement en accord avec la thèse de Norman H. Nie, qui stipule que le temps passé sur l’internet est inversement proportionnel avec le temps passé dans les autres médias [Nie et Erbring, 2000]. Ce modèle « hydraulique », qui considère que les activités médiatiques des usagers constituent des vases communicants quant au temps consacré à chaque activité, est partiellement validé par l’étude en question, qui y intègre des déterminants socioculturels. Ainsi, si dans l’ensemble l’utilisation de l’internet diminue le temps consacré à la télévision, la proportion de cette diminution varie selon des critères socioéconomiques : les internautes plus jeunes et de catégories socioprofessionnelles supérieures ont tendance à consacrer beaucoup plus de temps à l’internet, et moins à la télévision, que les internautes plus âgés et d’un niveau d’éducation et de revenus inférieur. La même étude relève que l’usage de l’internet se concentre essentiellement pendant les jours de la semaine, où 35,1% des internautes se connectent de façon régulière, contre seulement 21,4% pendant le week-end. C’est un élément important car il concerne la temporalité de l’usage de l’internet.

En effet, à contre courant des analyses qui présentent l’internet comme un média intemporel, les enquêtes empiriques révèlent qu’au contraire, du moins en ce qui concerne les sites d’information, la consultation suit des cycles et des habitudes quotidiennes. Selon une étude de l’OPA U.S., l’internet apparaît comme étant un média d’information pendant la journée, particulièrement auprès des usagers qui le consultent depuis leurs lieux de travail[31]. Ainsi, 25% des internautes interrogés déclarent que l’internet est le seul média qu’ils utilisent pendant la journée. L’audience des sites d’information est inversement proportionnée à l’audience de la télévision pendant une journée moyenne. Dans la deuxième partie de la matinée, entre 8h et 12h, 73% des internautes interrogés consultent des sites internet afin de s’informer sur l’actualité, alors qu’ils sont seulement 16% à regarder la télévision dans le même but. A partir du début de soirée, vers 19h, la tendance s’inverse, puisque 77% des internautes interrogés déclarent regarder la télévision à des fins d’information, pour seulement 49% qui consultent les sites internet. Les usagers de l’internet à des fins d’information sur le lieu de travail se concentrent dans la frange de population âgée entre 18 et 55 ans. Ils sont sensiblement plus diplômés et disposent de revenus plus élevés que les internautes qui consultent depuis d’autres lieux. A l’intérieur de cette population les hommes et les cadres supérieurs sont susceptibles d’utiliser davantage l’internet afin de suivre l’actualité. Ils le font particulièrement pendant la matinée, la fin de journée étant plutôt consacrée au divertissement et aux achats en ligne.

Dans l’ensemble, les thématiques qui intéressent particulièrement les hommes et les femmes qui consultent les sites d’information depuis le bureau sont sensiblement les mêmes, sauf en ce qui concerne les sujets économiques et la bourse, qui sont plus suivis par les premiers, et l’actualité locale qui attire particulièrement les secondes. L’économie est également une thématique qui intéresse davantage la frange d’âge de 35 à 55 ans, alors que les personnes âgées entre 18 et 34 ans s’intéressent à l’actualité générale. Le taux de consultation régulière des sites d’information a tendance à augmenter proportionnellement à l’ancienneté des internautes. Il concerne plus de la moitié des personnes qui utilisent l’internet depuis au moins neuf ans, mais seulement le quart de ceux qui l’utilisent depuis au moins trois ans.

 La consultation des sites d’information depuis le bureau s’entremêle constamment avec un usage professionnel (envoyer et recevoir du courrier, préparer des réunions), mais également avec un usage pratique (faire des courses, consulter la météo, se renseigner sur l’état du trafic routier, planifier son week-end). L’importance de l’usage quotidien de l’internet au travail pour les sites d’information est significative, puisque 82% des internautes qui le pratiquent déclarent disposer d’une sélection des sites préférés qu’ils consultent tous les jours au bureau. 65% d’entre eux disent considérer l’internet comme le seul moyen qui leur permet de rester en contact avec les évènements importants de l’actualité pendant leur journée de travail. Ces conclusions recoupent également ceux d’une enquête équivalente réalisée par la branche européenne de l’OPA et concernant cinq pays, parmi lesquels la France[32].

Effectivement, lors de notre recherche de terrain nous avons constaté que l’offre d’information des sites examinés se calque sur les habitudes de consommation des usagers, notamment de ceux qui consultent depuis leurs lieux de travail. Ainsi, parallèlement à une mise à jour permanente et automatique par le biais des dernières dépêches, le fonctionnement interne des sites d’information, disposant d’une rédaction, présente trois temps forts quant à la mise en ligne des nouveaux contenus pendant une journée moyenne : le début de la matinée, qui correspond à l’arrivée au bureau, le début d’après-midi qui correspond au retour du déjeuner, et le début de soirée, qui correspond au retour au foyer. A chaque fois il y a une mise à jour et un ajout d’informations qui vise à correspondre aux pics de connexions observés.

Les sites d’information sont également en train de prendre une place considérable dans les habitudes de consommation, même par rapport aux médias plus anciens. Ainsi, une enquête au niveau européen, effectuée entre septembre et octobre 2004 par l’EIAA (European Interactive Advertising Association)[33], un groupement interprofessionnel dans le secteur de la publicité sur l’internet, révèle que le temps moyen passé en ligne par les internautes européens est de 11 heures par semaine. Ce qui représente un cinquième du nombre total d’heures de consommation média tous types confondus, davantage que les 4 heures et demie passé à la lecture des journaux, mais loin de 17 heures consacrées à la télévision. Le principal avantage de l’internet mis en avant par les personnes interrogées, par rapport au média dominant qu’est la télévision, est le fait de pouvoir accéder rapidement à l’information recherchée. 54% des internautes européens interrogés déclarent lire des journaux en ligne, et le fait de s’informer sur l’actualité est le deuxième usage cité, juste derrière le courrier électronique. Si ces résultats sont sujets à précaution, en raison des motivations commerciales des acteurs qui en sont à l’origine, les tendances esquissées sont en accord avec l’ensemble des éléments exposés précédemment.

 

4.2.2 L’état actuel de l’information en ligne et les mutations de l’espace public

Effectivement l’utilisation de l’internet afin de s’informer sur l’actualité devient de plus en plus répandue auprès des internautes en France, comme dans les autres pays européens et aux Etats-Unis. Selon un sondage de l’institut Ipsos, la recherche d’informations liées à l’actualité occupe la première position en 2004 parmi les usages cités par les internautes français avec 64% de réponses[34]. Pour le Pew Institute, le pourcentage des internautes américains qui utilisent l’internet afin de s’informer sur l’actualité quotidiennement est de 27%, juste derrière l’envoi du courrier électronique et les requêtes auprès de moteurs de recherche[35].

En ce qui concerne particulièrement la France, ces résultats, qui concernent essentiellement les internautes réguliers, doivent être mis en perspective avec le taux de pénétration croissant de l’internet dans l’ensemble de la population. En décembre 2004, le nombre d’individus de 11 ans et plus déclarant s’être connectés à l’internet au cours du dernier mois, quel que soit le lieu de connexion, est de 23 919 000, soit 46,7 % des français dans la même tranche d’âge. Ce qui constitue une augmentation de 9% en l’espace d’un an[36]. Malgré les fluctuations saisonnières de ce pourcentage, dues à une définition large de l’internaute qui comprend des personnes dont l’usage est très ponctuel et non pas régulier, d’autres éléments comme le taux de pénétration dans les foyers démontrent une augmentation considérable d’un usage intensif. Ainsi, selon l’Observatoire du marché de l’internet, émanation de l’ART (Autorité de Régulation des Télécommunications) et associant les principaux fournisseurs d’accès, la France comptait au 31 mars 2004, 10,9 millions d’abonnements à l’internet, dont le haut débit en représente 40%. Ce qui constitue de revenus de l’ordre de plus de 2 milliards d’euros pour les opérateurs en 2004[37]. A cela il faut ajouter un nombre considérable de points d’accès au réseau dans les lieux de travail, les lieux publics, les écoles et universités ainsi que dans les cybercafés, difficilement comptabilisables. 

Il en ressort une tendance générale vers la hausse du nombre de consultations de sites internet en général, et plus particulièrement de ceux qui mettent à disposition de contenus d’information. Or, l’utilisation de l’internet au sein de la population française est inégalement répartie. Selon l’étude précédemment citée de l’EIAA, en 2003 les internautes sont plus nombreux chez les hommes que chez les femmes, 69% pour 39%. De même, ils sont 73% dans la tranche d’âge 16-44 ans et 58% à faire partie des catégories socioprofessionnelles supérieures.  Les utilisateurs intensifs sont généralement plus jeunes (entre 16 et 34 ans), de sexe masculin et disposaient d’un accès à l’internet avant 2000. Ces caractéristiques sont également celles de l’ensemble de l’échantillon dans les cinq pays européens pris en compte dans l’enquête. 

Si les inégalités d’accès persistent, l’usage de l’internet s’étend à des populations peu touchées auparavant. Ainsi, selon une synthèse des observations issues des panels d’internautes publiée par Médiametrie en décembre 2003[38], on constate une progression de leur nombre plus importante que la moyenne chez les femmes, les 50 ans et plus, les CSP-, en Province et dans les petites et moyennes agglomérations. Autrement dit, la hausse concerne particulièrement les catégories de la population où l’usage de l’internet a été le plus faible jusque-là. Il apparaît également de cette synthèse que la qualité de la consultation dépend de l’ancienneté. Autrement dit, plus l’internaute est expérimenté, plus le nombre de sites qu’il visite est élevé et plus le temps passé sur le réseau est long. Nous observons ainsi un phénomène d’apprentissage progressif sur l’internet, qui modifie sensiblement les usages effectifs au fur et à mesure.

 

Synthèse des résultats

Pour récapituler, nous pouvons synthétiser l’ensemble des éléments auxquels nous avons fait référence de la manière suivante : après une période d’instabilité économique et de formation des usages, l’internet semble être entré en France dans une période de maturité et de relative stabilité. Ainsi, les sites d’information constituent actuellement une source d’information significative pour un public de masse, en ce qui concerne sa taille, mais particulièrement hétérogène quant à ses usages. Les applications du réseau, concernant l’information en ligne, s’intègrent progressivement à des pratiques médiatiques complexes et plurimédias, c’est à dire combinant plusieurs supports d’information. L’internet demeure un dispositif médiatique discriminant et inégalement reparti au sein de la population française, mais cette inégalité semble concerner moins l’accès en tant que tel, qui est en voie de généralisation relative, que la qualité de l’utilisation. En raison de la complexité technique de sa maîtrise, mais également à cause de la profusion d’informations qu’on y trouve, l’usage de l’internet se révèle davantage lié au capital symbolique, au niveau d’éducation, mais également à l’ancienneté, et à l’apprentissage que cette dernière suppose. Ceci quant au choix de services, la sélection de sources, la recherche et la mise en perspective de l’information. Nous pouvons déceler parmi les usagers de l’internet une petite minorité qui semble tendre vers cet internaute-idéal, auquel nous avons fait référence précédemment, et qui a constitué le fondement des analyses utopiques sur la « cyberdémocratie ». Cependant la majorité des internautes, que nous avons appelé grand public, se limite à un usage qui correspond à ses pratiques médiatiques antérieures.

La consultation des sites d’information, dans son déroulement concret, consiste pour une partie importante d’internautes en une activité quotidienne, ou du moins régulière, qui entraîne des habitudes de consommation et des préférences quant aux sources consultées. Cette consultation régulière est ponctuée par des évènements importants, souvent de nature internationale, qui attirent des publics conséquents vers les sites d’information, entraînant des pics de connexion spectaculaires. En raison d’une certaine maturation des usages, au moins en ce qui concerne les internautes expérimentés, et de la généralisation de l’accès haut débit,  la consultation des sites d’information s’allonge quant à la durée mais également s’enrichit avec des contenus multimédias. L’internet offre également la possibilité à des populations qui n’apprécient pas le traitement de l’actualité par les médias dominants de leur pays, pour des raisons politiques, religieuses ou culturels, de contourner ce filtre « national » en s’informant sur des sites basés à l’étranger, ou dont l’approche est minoritaire dans le spectre politique local. Enfin, la consultation des sites d’information interfère constamment avec d’autres activités en ligne, qu’elles soient professionnelles, divertissantes, de communication ou pratiques. Dans cette configuration le réseau se révèle être un puissant moyen de mise en contact avec l’actualité, même quand l’intention première des internautes qui se connectent n’est pas de s’informer.

 

Les mutations observables de l’espace public

Si ces tendances sont tributaires des caractéristiques techniques de l’internet, il n’en demeure pas moins qu’elles sont sujettes à un processus de formation et de stabilisation des usages. Ce processus est socialement déterminé et s’inscrit dans l’ensemble des mutations de la sphère publique observées par ailleurs en mises en évidence par la recherche scientifique. Cependant, avant de procéder à l’examen de ces mutations en relation avec notre objet de recherche, il convient de définir ce que nous entendons par la notion de l’espace public. Pour ce qui nous concerne nous considérons, à l’instar de Marc Raboy, que « l’espace public est le domaine de médiation entre la société, l’économie et l’Etat, dans lequel le public s’organise et se mobilise, pour produire une opinion publique susceptible d’influencer la vie publique » [Raboy, 1998, p.110]. Il s’agit bien entendu d’une définition qui trouve ses sources dans le travail de Jürgen Habermas, qui considère que l’autorité publique peut être rationalisée sous l’influence institutionnalisée de l’argumentation raisonnée. A ce titre l’espace public constitue un concept fondamental de la théorie normative de la démocratie de Habermas, puisqu’il connote les conditions de communication dans lesquelles une opinion publique peut se former.

En fait, l’espace public constitue le champ dans lequel se déploie l’agir communicationnel, c’est à dire l’interaction de sujets capables de parler et d’agir qui engagent une relation sociale. Les acteurs recherchent une entente sur une situation d’action afin de coordonner de manière consensuelle leurs plans d’action, et par la même leur action [Habermas, 1987 tome I, p.102]. Comme l’indique l’auteur, le dispositif médiatique constitue une extension de l’agir communicationnel, puisque « la presse écrite et les médias électroniques représentent des innovations significatives de l’évolution en ce domaine : avec ces techniques, les actes langagiers sont libérés des limitations contextuelles qui tiennent à l’espace et le temps et rendues disponibles pour des contextes démultipliés » [Habermas, 1987 tome II, p.201].

Loin d’être l’expression exclusive de l’agir communicationnel, les médias d’information constituent néanmoins une composante essentielle de la sphère publique actuelle. Dès lors cette dernière subit deux influences décisives : d’un coté elle constitue le champ de déploiement des stratégies de la part des acteurs du système économique, régulé par l’argent, et par les agents du système politico-administratif, régulé par le pouvoir. A ce titre « la sphère publique est devenue un terrain de luttes, où des interprétations différentes de la réalité sociale se disputent le droit et la légitimité de parler au nom du public » [Raboy, 1998, p.115]. De l’autre coté, la sphère publique n’est pas un champ unifié et homogène, mais plutôt « fragmenté, constitué d’espaces publics partiels et composé de lieux d’expression inégalitaires » [Miège, 2004, p.144]. De cette façon, la sphère publique dans son ensemble se différencie sensiblement et déborde largement l’espace public politique et institutionnalisé. Les observations qui suivront n’ont aucunement l’ambition d’embrasser la totalité des mutations que connaît actuellement l’espace public. Il s’agit plutôt d’une tentative de repérage ponctuel des tendances qui caractérisent actuellement la composante médiatique de celui-ci, en relation avec notre objet de recherche. 

 

Elargissement horizontal de l’espace public         

 La première tendance observée est celle d’un élargissement horizontal de la composante médiatique de l’espace public. Par là nous entendons la prise en compte croissante dans les débats nationaux d’événements qui se déroulent à l’échelle planétaire. Comme l’a indiqué Jean Marc-Ferry en 1989, « dans le cadre de représentation que fournit l’espace public aux sociétés humaines, les sociétés civiles, politiquement délimitées par les frontières d’Etats-nations, pénètrent toutefois sans difficulté les unes dans les autres, de sorte que l’espace public n’est plus seulement le lieu de la communication de chaque société avec elle-même, mais aussi et peut-être surtout le lieu d’une communication des sociétés différentes entre elles » [Ferry, op.cité, p.21]. Les deux dimensions de ce phénomène sont d’une part l’apparition des médias transnationaux qui s’adressent à des publics socialement et culturellement hétérogènes et qui traitent essentiellement des questions internationales. Les deux médias emblématiques, et antagonistes, de cette évolution sont CNN et Al-Jazira. L’apparition et le succès de cette dernière sont considérés comme l’une des principales transformations récentes du dispositif médiatique à l’échelle internationale [Tétu, op.cité, p.8]. D’autre part, l’émergence d’organisations internationales qui interfèrent de manière décisive avec les débats internes de chaque pays, en posant des questions de dimension supranationale. L’exemple le plus caractéristique de cette évolution, en ce qui concerne la France, étant l’Union européenne, et les débats qu’a suscités dans ce pays le processus d’élargissement ou le referendum sur le Traité constitutionnel en 2005.

De la même façon, les élections américaines de novembre 2004 ont été suivies avec grand intérêt en France et se sont vu accordées une couverture très important par l’ensemble des médias du pays. Cette tendance étant particulièrement portée par l’internet, puisque les élections en question ont eu un réel impact sur la fréquentation des sites d’informations français, qui ont affiché une forte augmentation de leur audience de l’ordre de 105%, le 3 novembre, jour de l’élection[39]. Or, une telle évolution, vers l’élargissement horizontal des espaces publics nationaux, pose des questions importantes quand à l’adéquation entre deux composantes essentielles de la sphère publique, à savoir le traitement médiatique et l’espace politique de prise de décision. Comme l’écrit André Vitalis, « une communication à l’échelle du monde est une communication décontextualisée mettant en rapport des gens vivant dans des environnements différents. Entre eux la communauté n’est pas donnée au départ, elle est construite. Des nouveaux espaces publics peuvent se constituer. Mais ils ne peuvent participer au processus de décision et trouver un débouché proprement politique » [Vitalis, 1999, p.50]. C’est la même chose que dit Dominique Wolton, quand il écrit que « il y a peut être une mondialisation des techniques des industries de l’information et de la communication, mais il n’y a pas de communication mondialisée. De même il y a des industries culturelles mondiales mais il n’y a pas de culture mondiale » [Wolton, 2003, p.24]. C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour la notion d’élargissement de la sphère publique, plutôt que de parler de mondialisation politique ou culturelle.

Pour D. Wolton, le principal problème que pose cette évolution est celui de la cohabitation culturelle au niveau mondial, puisque la « fin des distances physiques » que représentent les médias transnationaux et singulièrement l’internet, révèle l’importance des distances culturelles [ibid., p.17]. Selon cet auteur, pendant longtemps nous avons associé étroitement l’augmentation du nombre d’informations disponibles par voie médiatique à une meilleure compréhension du monde. Ceci parce que la rareté de l’information et les techniques de communication particulièrement contraignantes ont contribué à une assimilation entre progrès technique et progrès social. Or, actuellement « l’écart se creuse entre des techniques toujours plus performantes et la communication humaine et sociale nécessairement plus aléatoire » [ibid., p.17]. Et même si l’augmentation des flux d’information « décontextualisée », dont l’information en ligne, ne peut rester sans effets, « il est difficile de savoir dans quelle mesure cette mise à disposition d’un matériau informatif identique est de nature à influencer les subjectivités et les conditions de la vie quotidienne à l’échelle planétaire » [Proulx et Vitalis, 1999, p.10].

La difficulté pour le récepteur se trouve dans la recherche des messages qui font sens pour lui, en relation avec son propre environnent culturel et capital symbolique, à travers ce « magma informationnel ». Comme l’écrit Serge Proulx, « ce trop plein communicationnel risque en effet d’entraîner un accroissement de la confusion mentale chez les personnes ne possédant pas la capacité de discriminer judicieusement ce qui constitue pour elles l’information pertinente parmi la masse de signes qui est offerte » [Proulx, 1999, p.147]. La question que se profile alors est celle de la relation entre information et connaissance. Si la première constitue une condition indispensable pour l’épanouissement de la seconde, elle n’est aucunement suffisante : « il s’agit bien d’information et pas encore nécessairement de connaissance. Pour que l’on puisse parler de connaissance, il faut que survienne une synthèse de ces éléments disparates au moyen d’un schéma intégrateur situé dans la conscience du sujet qui perçoit. L’acquisition et l’intériorisation de tels schèmes intégrateurs coïncident avec le profil des valeurs des individus, leurs croyances, leurs idéologies » [ibid., p.148]. Or, celles-ci diffèrent sensiblement selon la région du monde, mais également selon les spécificités socioculturelles des publics à l’intérieur de ces régions. Dans le cas de l’internet, ce clivage se double d’un processus d’apprentissage indispensable à un usage efficace. Autrement dit, comme nous le savons depuis Lazarsfeld, la mise en contact avec les mêmes informations n’implique pas les mêmes réactions pour tous les récepteurs. Par conséquent, l’affirmation que davantage d’information, envisagée uniquement d’un point de vue quantitatif, conduit nécessairement à une meilleure démocratie, ce qui constitue un des fondements idéologiques de l’ « informationalisme », n’est pas recevable. 

Dans cette configuration intervient également le déséquilibre entre les pays quant à leur capacité de production et de diffusion de l’information, notamment dans la relation Nord-Sud. Ainsi, les informations diffusées majoritairement depuis les pays développés sont souvent rejetées par les récepteurs qui se trouvent dans des espaces sociaux différents, et sont souvent ressenties comme un « impérialisme culturel ». De la même façon, à l’intérieur des sociétés occidentales, des populations minoritaires, que ce soit au niveau culturel, religieux ou sociopolitique, rejettent dans bien de cas le traitement que réservent les médias dominants à toute une série de questions. Cette tendance les conduit à rechercher des sources alternatives d’information, en grande partie dans les chaînes satellitaires et sur l’internet. Ce qui relève d’une autre évolution de l’espace public vers une fragmentation et une segmentation croissante.

 

Fragmentation et segmentation des publics

Effectivement, l’individualisation croissante des pratiques sociales et médiatiques est une tendance de longue durée, qui, comme le remarque Bernard Miège, « (se renforce) dans la période récente par le biais du recours aux techniques d’information et de communication, en correspondance avec un mouvement de marchandisation de l’information, de la culture et de la communication, lui même activé par la généralisation de l’emploi des techniques de marketing en ces domaines » [Miège, 2004, p.146]. Ce renforcement, qui se conjugue avec une segmentation toujours plus fine des publics par les médias, est susceptible d’ouvrir de perspectives opposées. Ainsi, par le biais de l’augmentation de l’offre médiatique, il facilite potentiellement l’autonomisation de l’activité d’information des individus, qui peuvent ainsi multiplier les sources, les angles, et aller au-delà d’une interprétation de l’actualité, éventuellement biaisée, d’un seul média. Cette perspective améliore la compréhension du monde et aide l’attribution du sens aux flux d’information en circulation.

Cependant, le renforcement de cette fragmentation peut aussi réduire le champ de possibles pour une large partie de la population qui tend à se diriger vers des médias dont elle sait que le traitement de l’actualité sera conforme à ses propres convictions. Ceci, afin de compenser la difficulté qui consiste à s’orienter et à effectuer des choix pertinents dans un environnement médiatique saturé de messages. Ainsi, le fait de regarder la chaîne libanaise Al-Manar, affiliée à l’organisation islamiste Hezbollah et interdite de diffusion en France par le CSA pour des propos antisémites[40], peut conforter les préjugés racistes d’une minorité de populations arabes, à l’intérieur même des pays européens dans lesquels la chaîne est diffusée. De la même façon, le fait pour un nombre très élevé des téléspectateurs américains d’opter pour la chaîne d’information en continu Fox News signifie à coup sûr une désinformation qui va dans le sens des stéréotypes déjà ancrés au sein d’une partie de ces téléspectateurs.

 Selon une étude de l’université de Maryland[41], la fausse perception des pays arabes et de la religion musulmane ou la mauvaise compréhension de questions concrètes liées à l’actualité sont habituelles dans l’ensemble de la population américaine, malgré une offre médiatique très riche. Ces fausses perceptions sont particulièrement présentes chez les téléspectateurs assidus de Fox News. En ce qui concerne la prétendue implication de Saddam Hussein dans les attentats du 11 septembre, 49% des américains pensaient en 2003 qu’elle est réelle, alors qu’ils étaient 67% à le penser parmi les téléspectateurs de Fox News. De même, 22% des américains pensaient que des armes de destruction massive ont été trouvées en Irak, et ils étaient 33% à le croire parmi les adeptes de la chaîne de Rupert Murdoch. Le phénomène de l’émergence des médias partisans qui, contrairement à la tradition du journalisme anglo-saxon, privilégient le commentaire et la prise de position au détriment de l’information objective date de la fin des années 80. En 1987 l’administration de Ronald Reagan supprime la Fairness Doctrine, une décision de la FCC (Federal Commission of Communications) datant de 1949, qui stipule que tous les médias audiovisuels américains ont l’obligation de rendre compte des sujets controversés avec l’expression des points de vue différents [McIntosh et Cates, 2002]. Sous l’impulsion de l’administration Reagan, le législateur a assimilé juridiquement les chaînes de télévision et les stations de radio à des individus qui disposent du droit constitutionnel de s’exprimer comme ils l’entendent. De cette façon, des médias comme Fox News ont réussi progressivement à imposer un style politisé et partisan, qui vise à attirer des personnes dont les opinions politiques supposées sont constamment confortées par le traitement réservé à l’actualité. En 2004, Fox News a été la première chaîne d’information en continu américaine sur le territoire des Etats-Unis en termes d’audience[42].   

Cette tendance à une segmentation très forte des publics, avec son corollaire d’adaptation du traitement de l’information aux attentes supposées de ces derniers, ne touche pas seulement le dispositif médiatique, mais s’étend graduellement dans l’espace public politique proprement dit. Ainsi, les dernières élections américaines ont vu le perfectionnement de la technique de micro-targeting, qui consiste pour les candidats à modifier leurs discours politiques respectifs de façon radicale, selon les caractéristiques propres aux différents auditoires locaux. Ceci afin de les calquer aux aspirations et attentes du public et optimiser leur impact en termes électoraux [Korte, 2004].

L’internet participe fortement à ce phénomène de fragmentation de l’espace public, à travers ses caractéristiques techniques qui, comme nous l’avons vu précédemment, permettent un « profilage » très fin des internautes. Mais également par le biais du choix inégalé des sources d’information qu’il met à disposition, couvrant la totalité du spectre politique et éditorial, jusqu’à ses expressions les plus extrêmes. D’où la multiplication de sites diffusant de l’information biaisée, souvent apparentée à de la propagande. La volonté de résistance et la recherche d’alternatives, face à un traitement de l’actualité jugé partial ou conditionné par des intérêts économiques ou politiques des « grands médias », peuvent ouvrir des nouvelles perspectives quant à la compréhension des enjeux sociaux et politiques. Mais elles peuvent également conduire à un raidissement des prises de position, renforcé par une information militante qui vise avant tout à les conforter.  

 

Relations publiques généralisées et espace public sociétal

Les tendances à l’élargissement et à la fragmentation de la composante médiatique de la sphère publique sont accompagnées d’une évolution vers un schéma de relations publiques généralisées, auquel nous avons faire référence précédemment. L’internet et les nouvelles techniques d’information et de communication « (jouent) un rôle stratégique dans le développement parallèle d’un monde social où les instruments de communication occupent une place croissante, et dans la construction de croyances sociales qui valorisent cette notion de communication » [Neveu, 2001, p.85]. Dans cet espace social caractérisé par une opulence informationnelle qu’est l’internet, les Etats, les entreprises et les organisations de toute sorte trouvent un canal de communication institutionnelle auprès d’un public de masse. Cette communication, comme nous le verrons plus loin, prend souvent sur l’internet la forme d’information de presse et utilise les mêmes procédés et, dans bien de cas, les mêmes personnels que cette dernière dans son fonctionnement concret.

Les mutations précédemment mentionnées sont également corrélatives à l’émergence d’un espace public sociétal caractérisé par « la publicisation des opinions ne se limitant plus à la sphère politique, mais intégrant des opinions relevant des modes de vie ou des modes d’être ensemble » [Miège, 2004, p.147]. Il s’agit de ce que Jean-Marc Ferry appelle « l’extension verticale » du nouvel espace public qui tient à la mise en scène de l’intimité professionnelle, personnelle ou familiale [Ferry, 1989, p.22].  L’une des expressions d’une telle évolution sur l’internet est l’apparition des weblogs et le développement considérable des forums divers. Au moyen de ces applications, à mi-chemin entre information et communication interpersonnelle, un nombre croissant des personnes expriment leurs vues sur des questions sociales ou politiques, entremêlées avec les récits de la vie quotidienne et des expériences d’ordre personnel qui servent comme exemples justifiant telle ou telle prise de position. Parallèlement, la composante sociétale de l’information en ligne prend de l’importance avec l’apparition de rubriques « people » ou « insolites », qui rencontrent un succès considérable en termes d’audience. 

Cette tendance se renforce également par la multiplicité des usages qui se succèdent lors d’une séance de « surf ». Comme nous l’avons vu précédemment l’utilisation de l’internet à des fins d’information sur l’actualité, qui renvoie à la notion d’espace public politique, se croise et se double constamment d’une utilisation professionnelle et pratique d’une part, et d’une fonction de socialisation et de communication interpersonnelle d’autre part. Il en résulte un brouillage des frontières entre sphère publique, professionnelle et privée. Les usagers de l’internet traversent ces frontières constamment, et sans changer de support, au point que, dans leurs pratiques quotidiennes, il y a un glissement perpétuel et automatique entre ces différents registres. Les nouveaux acteurs de l’information en ligne, comme les portails généralistes, ne disposant pas d’une vocation historiquement déterminée à délimiter ces différentes sphères, n’hésitent pas à s’impliquer dans ces dernières en établissant de passerelles entre elles. Ainsi, lors d’une visite sur un site de cette nature, les internautes se trouvent confrontés à un éventail de services et de contenus, comme les pages d’actualité, le courrier électronique, la recherche d’information, la réservation des billets d’avion ou la recherche de l’âme sœur, qui font appel à des usages différents et dont la fonction et les implications sociales sont éloignées.

 

Intermédiation technique

Enfin, une évolution importante de la composante médiatique de l’espace public, en ce qui concerne l’internet, est celle du remplacement progressif de la médiation journalistique traditionnelle par une médiatisation technique. En effet, dans l’information en ligne, il existe un nombre croissant de dispositifs techniques qui interviennent dans la sélection, la hiérarchisation et la mise à disposition de l’information. Ainsi, les moteurs de recherche comme les services de personnalisation et de veille, tendent à laisser penser à une certaine disparition des médiations traditionnelles qui se concrétisent en la personne du journaliste. Souvent, ce processus, qui associe des outils techniques de plus en plus complexes mis au point par des acteurs extérieurs au système médiatique traditionnel, est considéré comme à l’origine d’une certaine désocialisation des activités communicationnelles, perçue comme une évolution négative.

Selon Thierry Lancien, les médiations interviennent, à un premier niveau, dans la construction même de l’information et président au choix, à la hiérarchisation de celle-ci. [Lancien, 2003, p.178]. Dans un deuxième niveau il y a la médiation dans les mises en discours, c’est-à-dire dans le fait pour le journaliste de s’inscrire en tant que personne dans l’information produite à travers des modalités diverses. Selon l’auteur sur l’internet il s’agit de « supprimer au maximum la médiation journalistique pour faire croire au cyberlecteur que l’information brute est forcement objective et qu’il peut, en dehors de toute logique éditoriale, être maître du jeu » [ibid., p.179]. L’auteur appuie sa réflexion sur l’exemple des portails généralistes, comme Yahoo ou Wannadoo, où, selon lui, « la tendance consiste effectivement à présenter les informations sans hiérarchisation […]. Si l’on considère maintenant le second niveau de médiation, celui des mises en discours et de la présentation des information, […] c’est toute une partie de l’activité journalistique qui est en cause (mise à distance de l’information, analyse) […] les sites portails par exemple, ou encore les sites de télévision, vont privilégier les dépêches et donc une version « brute » de l’information » [ibid., pp.178-179].

Ce raisonnement est pertinent s’il s’adresse à ce « mythe entretenu par les promoteurs des nouveaux médias » auquel l’auteur fait référence [ibid., p.186], qui privilégie l’accès supposé direct à l’information, en contournant les médiations traditionnelles. En revanche, de notre point de vue, cette analyse n’est pas recevable si elle prétend analyser le fonctionnement concret des nouveaux acteurs de l’information en ligne. Ceci parce que comme nous le verrons lors de l’analyse de notre recherche de terrain, derrière la montée en force de l’intermédiation technique, se trouve en réalité une multitude des médiations « humaines », qui sont le fait des journalistes mais également des techniciens de l’information.

En ce qui concerne la mise à disposition des informations brutes sous la forme de dépêches, notre recherche empirique montre que ces dernières sont travaillées et traitées justement dans le sens d’une diffusion directe auprès du public. Ainsi, au sein des agences de presse qui en sont à l’origine, il y a eu progressivement, depuis le début des années 2000, la constitution des cellules dédiées de journalistes dont le travail quotidien consiste à réécrire les dépêches brutes, qui sont initialement destinées aux journalistes travaillant au sein de médias traditionnels. Ceci afin qu’elles puissent être diffusées sur l’internet, sans traitement supplémentaire. Ces cellules commencent à acquérir une position stratégique au sein des grandes agences de presse, puisque elles constituent en quelque sorte leur premier « client », qui reçoit et filtre, sur une base quotidienne, l’ensemble de la production interne. De cette façon il a des interactions incessantes entre, d’une part, les journalistes qui produisent l’information et ceux qui sont chargés de la réécrire en vue d’une diffusion publique, avant même que l’information sorte des agences. Le travail de réécriture consiste à contextualiser l’information, en rappellent quelques éléments indispensables à la compréhension par le grand public comme l’historique, l’identité des acteurs, les antécédents, à la simplifier et à la mettre en relation avec d’autres événements. Au bout du processus, la dépêche à destination des portails généralistes est très différente de celle qui s’adresse aux journalistes des médias traditionnels, même si elle traite du même sujet. La médiation journalistique ne disparaît pas mais elle remonte la chaîne de production, ne se situant plus au sein du média qui touche directement le public mais au sein de la structure chargée de la production de l’information. Cette dernière est rémunérée en conséquence pour ce travail supplémentaire.

En ce qui concerne la question de la mise à disposition de l’information sans hiérarchisation ou sélection préalable, notre recherche montre que celle-ci concerne une minorité d’acteurs, en tout cas ceux qui sont le moins engagés dans l’information en ligne. Pour ceux dont l’actualité constitue une activité stratégique, comme Google et Yahoo, il y a effectivement des dispositifs de hiérarchisation et de sélection de l’information, à la différence que celles-ci sont partiellement prises en charge par des dispositifs techniques complexes.

Dans le cas de Google, le principe consiste à appliquer le système de classement fondé sur un indice de popularité des pages web appelé Page-Rank, qui a fait le succès de moteur pour la recherche sur l’internet, à toutes les informations quelle que soit leur forme et leur nature. De cette façon, la pertinence d’un article de presse est proportionnée au nombre des liens hypertexte qui pointent vers lui, filtré par l’algorithme propriété de Google. Dans le cas de Yahoo, il s’agit de mettre à disposition des dépêches, triées et structurées par des dispositifs complexes simulant une maîtrise de la sémantique au moyen de mots-clés et autres éléments paratextuels, afin d’attribuer ces informations à des dossiers thématiques, des rubriques spécifiques et les hiérarchiser quant à leur importance en relation avec l’actualité. Dans les deux cas la composante technique est significative mais elle se place sous un contrôle humain, exercé par des techniciens de l’information qui assurent, de fait, une fonction éditoriale. Ainsi, la sélection des sources est un processus éditorial, objet d’une négociation permanente de nature économique et juridique entre les différents acteurs impliqués comme les agences, les portails et les sites-médias, avant d’être une opération technique. 



[1] Voir Dalhgren Peter, « L’espace public et l’internet, structure, espace et communication », in Réseaux Volume18-No100, 2000, pp.157-186

[2] Voir Boure Robert et Loiseau Gérard (sous la dir.), Démocratie locale et Internet, Sciences de la société no 60 – octobre 2003 

[3] Voir Bouiller Dominique, « La nouvelle matérialité de l’espace politique : les dispositifs de la netpolitique » Hermès no 26-27, 2000, pp.201-211

[4] Ledun Marin, L’introduction des techniques de l’information et de la communication dans la sphere politique. Discours et dispositifs de construction de l’expérience politique du sujet, Thèse en Sciences de l’Information et de la Communication, Université Stendhal Grenoble 3, octobre 2003.

[5]Voir Van Bastelaer Béatrice, Henin Laurent et Lobet-Maris Claire, Villes virtuelles. Entre Communauté et Cité. Analyse de cas, L'Harmattan, Collection Villes et Entreprises, Paris, 2000 

[6] CESP, Terminologie Internet, mai 2002, (cf. Annexe 5).

[7] Pew Internet & American Life Institute, « The Commons of the Tragedy : How the Internet was used by millions after the terror attacks to grieve, console, share news, and debate the country’s response», octobre 2001, enquête effectuée par téléphone entre le 12 et le 19 septembre 2001 aux Etats-Unis auprès d’une population de 2 039 individus ages de 18 ans et plus, dont 1 138 utilisateurs de l’internet. Accessible à l’adresse : http://www.picosearch.com/cgi-bin/ts.pl

[8] « Audience : les sites médias américains s’invitent parmi les ténors », Journal du Net, lundi 24 septembre 2001, non signé, accessible à http://www.journaldunet.com/0109/010924audienceus.shtml

[9] Gillespie Marie et Cheesman Tom, « Les informations télévisées et les téléspectateurs multiethniques », in Marc Lits (sous la dir.), Du 11 septembre à la riposte, De Boeck, Bruxelles, 2004, pp.86-104.

[10]« Les sites d’infos noyés sous l’audience », Journal du Net, mercredi 12 septembre 2001, non signé, accessible à l’adresse : http://www.journaldunet.com/0109/010912twmedias.shtml

[11] Pew Research Center for the People & the Press, « Americans lack background to follow international news », juin 2002, enquête effectuée par téléphone entre le 26 avril et le 12 mai 2002 aux Etats-Unis auprès d’une population de 3 002 individus ages de 18 ans et plus. Accessible sur :  http://people-press.org/reports/display.php3?ReportID=156

[12] Audience Affinity Study, OPA - ComScore, Octobre 2002, étude effectuée aux Etats-Unis auprès d’une population de 1,5 millions d’individus utilisateurs de l’internet par capture passive, et complétée par un questionnaire en ligne. Accessible sur : http:// www.online-publishers.org/ pdf/opa_affinity_study_oct02.pdf

[13] Premier Baromètre des sites médias, Geste – Médiametrie, janvier 2003, étude effectuée auprès d’un échantillon représentatif de la population d’internautes à domicile en France par capture passive, complété par 2 027 entretiens téléphoniques en octobre 2002. Les souscripteurs sont les suivants : Les Echos, Europe1, e-TF1, Groupe Express-Expansion, Le Monde, M6, Nouvel Observateur, Le Parisien, RTL, Télérama, Web 66, ZDNet. (cf. Annexe 3).

[14] UCLA Center for Communication Policy, « The UCLA Internet report – Surveying the digital future », janvier 2003, enquête effectuée par entretien téléphonique auprès de 2 000 foyers américains entre novembre et décembre 2002. Accessible sur : http://ccp.ucla.edu/pages/internet-report.asp

[15] Project for Excellence in Journalism, Columbia University Graduate School of Journalism, « The State of the News Media 2004 », mars 2004, étude effectuée par une synthèse d’éléments statistiques déjà disponibles. Accessible sur : http:// http://www.stateofthenewsmedia.org/ 

[16] Source : Classement du panel Médiametrie/Nielsen – NetRatings, catégorie News & Information, recueilli auprès de François - Xavier Hussherr, responsable des études internet au sein de Médiamétrie, (cf. Annexe 4).

[17] Source : « L'effet guerre sur les sites d'infos », Jérôme Colombain, France Info, Lundi 21 Avril 2003, accessible sur : http://www.radiofrance.fr/chaines/france-info/chroniques/hightech/index.php?m=3&chro_diff_id=5496

[18]Pew Internet & American Life Institute, « The Internet as a unique news source », juillet 2004, enquête effectuée par téléphone entre le 15 mai et le 17 juin 2004 aux Etats-Unis auprès d’une population de 2 200 individus ages de 11 ans et plus. Accessible sur : http://www.pewinternet.org/reports

[19] Voir à ce sujet Mercier Arnaud et Charon Jean-Marie (sous la dir.), Armes de communication massive, informations de guerre en Irak : 1991-2003, CNRS Editions, Paris, 2004.

[20] «New prison images emerge», Davenport Christian, Washington Post, jeudi 6 mai 2004, accessible à l’adresse : http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A5623-2004May5.html

[21] «We’re functioning with peacetime constraints in a wartime situation in the Information Age. People are running around with digital cameras and taking these unbelievable photographs and then passing them off, against the law, to the media, to our surprise». Source:  « US powerless to halt Iraq net images », Robert Plummer, BBC News, samedi 8 mars 2004, accesible à l’adresse : http://news.bbc.co.uk/1/hi/world/americas/3695897.stm

[22] Voir à ce sujet Marthoz Jean-Paul, « Media culpa, media maxima culpa », in Marc Lits (sous la dir.), Du 11 septembre à la riposte, De Boeck, Bruxelles, 2004, pp.141-147.

[23] En janvier 2005 les journalistes en question sont Pascal Riché (correspondant à Washington), Fabrice Rousselot (correspondant à New York),  Pierre Haski (correspondant à  Pekin) et Emmanuel Davidenkoff pour Libération, et Corinne Lesnes (correspondante à New York), Eric Le Boucher (rédacteur en chef) pour Le Monde. 

[24] Project for Excellence in Journalism, mars 2004, op.cité.

[25] Institute for Politics, Democracy & the Internet, «Political Influentials Online in the 2004 presidential campaign», George Washington University Graduate School of Political Management, février 2004, étude effectuée aux Etats-Unis auprès d’une population de 1,5 millions d’individus utilisateurs de l’internet, par capture passive et complétée par 1 392 entretiens téléphoniques. Accessible sur : http://www.ipdi.org/influentials/Report.pdf

[26] Selwyn Neil, Gorard Stephen et Furlong John, « Whose Internet is it Anyway ? Exploring Adults’ (Non) Use of the Internet in Everyday Life », European Journal of Communiction Vol. 20 No 1, Mars 2005, pp. 5-25.

[27] L’essentiel des résultats de l’enquête a été publié dans l’article suivant : D’Armagnac Bertrand et Mathieu Bénédicte, « L’information tend à devenir un produit de consommation », Le Monde, jeudi 23 décembre 2004, (cf. Annexe 7). 

[28] L’étude en question a été publiée en exclusivité par le journal Le Monde, quelque temps après que ce dernier ait rendu publics les chiffres concernant la baisse de son lectorat et ses problèmes financiers, suivi par la démission de son directeur de la rédaction Edwy Plenel et l’annonce des changements éditoriaux importants. Ce qui peut faire penser qu’il s’agit d’une commande du journal dans une visée stratégique.

[29] Entretien de Denis Muzet, président de l'Observatoire du débat public, accordé à Annick Peigne-Giuly, Libération, lundi 3 janvier 2005 (cf. Annexe 7). Denis Muzet est fondateur de Médiascopie, cabinet d’études spécialisé dans la communication institutionnelle d’entreprises et de pouvoirs publics et enseignant au DESS de Communication politique et sociale à la Sorbonne, Paris IV.

[30] Stanford Center for the Quantitative Study of Society, «Ten years after the birth of the internet, how do Americans use the internet in their daily lives? », decembre 2004, enquête effectuée par téléphone aux Etats-Unis auprès d’une population de 4 839 individus en juin 2004.

Accessible sur : http://www.stanford.edu/group/siqss/SIQSS_Time_Study_04.pdf

[31] Online Publishers Association, « At Work Internet Audience Media Consumption Study », mai 2003, étude effectuée aux Etats-Unis auprès d’une population représentative d’individus utilisateurs de l’internet dans leurs lieux de travail entre le 14 et le 25 janvier 2003, par capture passive et complétée par un questionnaire en ligne. Accessible à l’adresse : http://www.opa-europe.org/IMG/pdf/1_atworkeurope2pdf-2.pdf&e=9797

[32] OPA Europe, « Internet : le moyen idéal pour démarcher des consommateurs pendant la journée », septembre 2004, étude effectuée en France, en Italie, en Espagne, en Allemagne et en Grande Bretagne. Méthodologie non mentionnée. Résumé accessible sur le site http://www.opa-europe.org

[33] EIAA - Millward Brown, « European Media Consumption Study 2004 », octobre 2004, étude effectuée pendant le mois d’octobre 2004 dans cinq pays européens (France, Grande-Bretagne, Italie, Espagne et Allemagne), auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 individus par pays, soit au total 5 000 personnes, par entretien téléphonique. Accessible à l’adresse : http://www.eiaa.net/case-studies/shwCaseStudies-item.asp?id=53&lang=

[34] Ipsos, « Profiling 2004 : le profil des visiteurs de 300 sites et portails internet », 27 décembre 2004, (cf. Annexe 9).

[35] Pew Internet & American Life Institute, « Latest trends : internet daily activities », mai - juin 2004, accessible sur : http://www.pewinternet.org/trends/Daily_Activities_12.20.04.htm 

[36] Source : Médiamétrie - L’Observatoire des Usages Internet, décembre 2004.

[37] Source : ART - Observatoire du marché de l’Internet, juillet 2004.

[38] Médiametrie, « L’année internet 2003 », janvier 2004, accédé à l’adresse http://www.mediametrie.fr, indisponible actuellement.

[39] Source : Médiamétrie - L’Observatoire des Usages Internet, novembre 2004.

[40] Voir à ce sujet : « Après la diffusion de programmes racistes Raffarin reprend en main le dossier Al-Manar », Paule Gonzalèz, Le Figaro, lundi 3 janvier 2004 et « Al-Manar, indésirable en France », Dominique Raizon, RFI.fr, vendredi 3 décembre 2004.

[41] Program for International Policy Attitudes, University of Maryland, « Misperceptions, the Media and the Iraq War  », octobre 2003, accessible à l’adresse :  http://www.pipa.org/OnlineReports/Iraq/Media_10_02_03_Report.pdf

[42] The Pew Research Center, « News Audience increasingly politicised », 8 juin 2004, disponible à l’adresse: http://people-press.org/reports/display.php3?ReportID=215

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