2.4 Conclusion

Les industries culturelles sont l’objet d’une déréglementation croissante accompagnée par la libéralisation du marché de la communication et de la culture et le désengagement progressif de l’Etat dans le secteur, notamment par l’affaiblissement du service public audiovisuel mais également par le contournement de la législation anti-concentration. Ce mouvement s’inscrit dans une tendance plus globale qui concerne l’ensemble du système productif et des politiques publiques aux Etats-Unis comme en Europe. Plus particulièrement en France, cette tendance a abouti à la fin des années 90 à la tentative de constitution de « champions nationaux » fondés sur le principe de convergence, autrement dit la création de groupes de communication transnationaux sous contrôle français, censés résister aux firmes américaines.

Si la plupart de ces tentatives ont échoué, les conséquences du bouleversement qu’elles ont amorcé sont bien réelles. Outre le basculement vers des stratégies fondées sur des fusions-acquisitions, le résultat de cette politique a été le renforcement de pôles financiers préexistants et leur domination actuelle des industries culturelles françaises, ce qui aboutit à une situation d’oligopole en ce qui concerne particulièrement le secteur des médias. Malgré leur financiarisation croissante, les principaux acteurs du secteur élargi de la communication en France demeurent sous contrôle familial relatif et disposent des positions fortes dans la quasi-totalité de secteurs économiques porteurs du pays. D’où l’illustration du caractère stratégique du secteur de la communication dans le système productif contemporain.

Le rôle de l’internet dans cette évolution a été important. Dans un premier temps, il a constitué la manifestation concrète de la théorie de la « convergence », en incarnant un média « total » susceptible de remplacer tous les autres canaux et supports. Dans un deuxième temps, l’internet a également constitué un terrain propice à une diversification horizontale pour les acteurs en provenance de l’audiovisuel et de la presse. Ces derniers étaient à la recherche d’un support qui leur permettrait d’investir un secteur nouveau et prometteur sans pour autant consentir des investissements massifs. Ceci parce qu’un tel investissement implique une recherche de capitaux extérieurs pouvant aboutir à la perte de contrôle de l’entreprise. L’internet a également offert l’occasion aux opérateurs de télécommunications de procéder à une intégration verticale significative par le biais de leurs sites portails respectifs. Ces derniers leur ont permis de s’engager dans la diffusion grand public de contenus d’information, au-delà de leur créneau initial de mise en place et de gestion de réseaux matériels. Enfin, l’internet a également constitué le terreau de développement de nombre de sociétés américaines présentes actuellement en France. Celles-ci ont exploité la possibilité qu’offre l’internet pour une internationalisation de leurs activités à moindre coût et sans une réelle implantation industrielle auprès de différents pays.

Nous pouvons ainsi conclure que l’internet a constitué le terrain d’application porteur, mais pas unique, d’un certain nombre de tendances économiques qui préexistaient son apparition. L’ensemble de ces mutations a contribué à déstabiliser le fonctionnement des industries culturelles dominant jusque-là et a permis à des acteurs extérieurs d’y concurrencer les acteurs traditionnels. La principale caractéristique de cette évolution est la financiarisation croissante du secteur et ses tendance corrélatives. Celles-ci ont conduit progressivement au renforcement de la tendance à l’industrialisation croissante du secteur de l’information, dont nous allons rendre compte par la suite.  

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